Happening au
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Le 28 septembre 2007 Gérard Collin-Thiébaut a copié le journal du 30 avril 1856
C'est parce qu'Amiel est "l'homme le moins caractéristique possible ", qu'il n'est "emprisonné dans aucune nature individuelle ", que l'artiste Gérard Collin-Thiébaut décide, le 4 juin 1996, jour de son cinquantième anniversaire, de s'approprier son Journal. Appropriation à comprendre comme geste artistique et qui se fait par la copie manuscrite - très régulière, faute d'être tout à fait journalière -, du texte publié aux éditions de L'Âge d 'homme. Lettres cursives, plume, encrier, cahiers 17 x 22 cm, à la couverture bleu outremer pour cette activité où " il s'agit de saisir ce qui est à portée de la main, comme rajeunissement perpétuel ", pour que la "copie, cette seconde mais augmentée devienne écriture originale". . .
Au 22 juillet 2002, 40 cahiers déjà remplis.
Au 9 décembre 2002, date de ma rencontre avec l'artiste, la copie en cours concerne un Amiel de 33 ans...
Les Apaïstes genevois peuvent mieux que quiconque assister au " happening ", en se rendant tout simplement au MAMCO (Musée d'Art contemporain de Genève), dans l'Atelier d'aujourd'hui, pièce réservée à l'artiste, et dans laquelle il pratique ses Transcriptions scripturales ou picturales.
À force de le lire et de le copier, ce Journal est devenu le sien. Le cahier en cours l'accompagne partout. Pas de commentaires, pas de variation d'une lettre ou d'une virgule... Seul ajout: la date, l'heure et le lieu de la copie quand elle ne s'effectue pas au MAMCO. Et un projet: celui d'aller voir les cahiers manuscrits originaux d'Amiel, ce qui n'est pas encore fait à ce jour.
Gérard Collin-Thiébaut a calculé qu'il lui faudra vivre au moins jusqu'à 98 ans pour mener à bien la copie complète du Journal, tâche qu'il doute d'accomplir dans son intégralité. Pourtant, c'est bien quelque chose qui a rapport avec le temps, cette Transcription, quelque chose qui dit aussi, peut-être, le Dérisoire - celui de l'art en particulier -, face à ce temps qui passe.
Parmi les copies de Gérard Collin- Thiébaut effectuées avant celle du Journal d'Amiel, L'Éducation sentimentale de Flaubert en 1985 (Installation permanente à la Bibliothèque Nationale, salle Coypel), les Fragments d'un discours amoureux, de Roland Barthes, envoyés comme autant de lettres d'amour à Claire Chazal, en février 1995...
Corine Pourtau (Revue APA N°32 / février 2003)