Aujourd'hui essentiellement exercé l'adresse de
l'il et de la main, pendant cinq heures, avec les
enfants pour parterre ébloui et applaudissant
(dominos, jouets, cartes, chaises, verres d'eau, carafes,
couteaux, balais, casse-têtes, jeux divers).
Lutiné comme un follet avec toutes les choses de la
maison, mettant tout en branle et en équilibre, en
danse et en culbute. C'est la mécanique amusante, le
sens de la pesanteur et de l'espace, des combinaisons et de
l'imprévu que j'ai mis en jeu, et cela n'est point
inutile. Toutes ces folies enfantines développent
l'initiative de l'imagination et la justesse des organes,
tout en reposant l'esprit et en rajeunissant le
caractère, et m'amusent en faisant plaisir. Vaincre
une difficulté quelconque donne toujours une joie
secrète, car c'est reculer une limite et augmenter sa
liberté; toute victoire grandit, même la plus
imperceptible, même celle sur un joujou. Pourquoi?
parce que toute victoire est au fond une victoire sur
soi-même, et par conséquent un accroissement de
soi-même. Quand je fais tenir une pyramide sur sa
pointe, ce n'est pas tant la matière que je soumets,
c'est plutôt une incapacité de moi que je
diminue. Ainsi toute limite que je recule est une puissance
que j'acquiers et un esclavage que je brise, une
augmentation de connaissance et de force. Lutter,
voilà la vie; grandir, voilà sa
récompense. - Telle est la philosophie du badinage:
tout se tient.
Dimanche 5 novembre - II / 916
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