L'un des sens du mot dynastie est «suite de
personnalités dans une même famille».
Quand ces personnalités sont aussi typiquement
genevoises que les membres de la famille Droin, leur
présence s'impose dans notre série. Ils sont
horlogers, commerçants, pasteurs ou juristes, et
comptent même un banquier et une botaniste.
Autant d'activités exercées par les
descendants d'un cardeur de laine de Beaune, venu se
réfugier à Genève en1585. A la fin du
XVIe siècle, la Bourgogne a fourni de nombreux
réfugiés huguenots à la petite
république réformée. «On trouve
encore des Droin, des Drouin et des Drouhin en Bourgogne,
dont certains produisent du très bon vin»,
précise Jacques Droin. «La mention la plus
ancienne du nom est celle de Droin le moineau dans Le roman
de Renart», ajoute l'ancien juge à la Cour, fin
lettré qui édite actuellement le
correspondance de Rodolphe Töpffer.
A Genève, le premier Droin peigne la laine, l'un de
ses fils aussi, tandis que l'autre passe tout naturellement
à la fabrication des vêtements. Sera-t-on
tailleur d'habits de père en fils ? Pas longtemps,
car vient un Isaac Droin, qui se spécialise dans la
passementerie. Nous sommes déjà au
début du XVIIe siècle et les Droin n'ont
toujours pas acquis la bourgeoisie de Genève.
Descendants d'un réfugié reçu habitant
en 1585, ils figurent au nombre des «natifs» et de
ce fait resteront privés de droits civiques jusqu'en
1792.
Ils se rattraperont avec le banquier César Droin
(1801-1867), membre en 1842 du premier Conseil administratif
de la Ville de Genève, et avec les
députés au Grand Conseil César Droin
(1871-1963) et Antoine Droin, né en 1959, fils du
pasteur Jean-Marc Droin.
Lapidaire et pasteur
L'Angleterre, où deux
générations de Droin naîtront sous le
règne de la reine Victoria, avait déjà
tenté Jaques Droin (1713-1777), lapidaire à
Londres. Son arrière-petit-neveu Denis Droin
(1804-1858), frère du banquier déjà
cité et du pasteur Moïse Droin (1806-1897),
obtient la naturalisation britannique en 1847. Il
épouse une Ecossaise, Mary-Ann Kerr, et six de leurs
sept enfants naissent à Londres. «Il parlait et
écrivait, dit-on, quatorze langues modernes et
anciennes», rapporte son descendant direct. «L'une
de ses filles, mariée avec un Russe, fut la
mère de l'historien Ivan Lapchine, cité par
Soljenitsyne dans L'archipel du Goulag », ajoute
Jacques Droin.
Grâce à William, fils de Denis, la famille
Droin se perpétue aujourd'hui à Genève.
«William Droin avait fait de mauvaises affaires
à Londres», explique son
arrière-petit-fils. «C'est vraisemblablement
pour cette raison que sa femme et lui ont
délégué l'éducation de leur fils
César à un oncle et une tante de
Genève. Ce garçon n'avait que 12 ans quand sa
tante Julia Cherbuliez née Droin et son mari sont
venus l'attendre en 1883 à Calais pour l'emmener avec
eux à Genève.»
Le petit Ceasar
Le petit Ceasar (il orthographiait son prénom
à l'anglaise) deviendra l'avocat César Droin,
bâtonnier, député au Grand Conseil,
avocat conseil du consulat de Grande-Bretagne à
Genève. Le premier de ses fils, William, sera
à son tour avocat, tandis que le deuxième,
Jules, deviendra médecin. L'un des fils de ce
dernier, Jacques Droin, né en 1926, sera avocat, juge
au Tribunal, puis à la Cour de justice, et enfin
à la Cour de cassation. Il est le père de
Sylvie Droin, avocate, puis substitut du procureur
général , procureur et juge au Tribunal.
«A propos de mon père et de ses
frères», fait remarquer Jacques Droin, «on
peut dire que les trois fils de César ont
épousé trois filles d'Auguste. Leurs femmes
avaient pour père l'une Auguste Boissonnas, l'autre
Auguste de Morsier et la troisième Auguste
Naville.» Le tableau de la famille Droin ne serait pas
complet sans Kitty (1830-1879), botaniste distinguée,
auteur d'un herbier qui appartient au Conservatoire et
Jardin botaniques , et surtout sans sa cousine et
belle-soeur Anna (1840-1912),
l'éphémère et unique fiancée de
Henri-Frédéric Amiel. Souvent citée
dans le célèbre Journal intime du professeur
genevois, Anna Droin, dite Perline, fille du pasteur
Moïse Droin, épousera en 1871 son cousin Henri
Droin, fils du banquier César Droin.
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