NOTE 36



Déjà le 22 juin 1842, Amiel lui écrivit :"[...] j'aurais bien des choses à vous dire et à vous demander: vous dire que je suis avide de bonheur, et vous demander si c'est une femme qui peut le donner; vous demander surtout, en conscience, de sang-froid, sans flagornerie, si vous connaissez beaucoup de femmes comme vous, car c'est à peu près comme cela que je la veux, peut-être un peu moins sensible, pour être moins malheureuse avec moi, qui suis fort variable, mais religieuse, sans étroitesse; élevée, intelligente, pénétrante, instruite, sans prétentions; artiste, sans tête folle; coeur aimant et fidèle; caractère ferme à l'occasion. Voyons, faites un peu la maman donnant ses conseils, cela sera gai, mais je vous assure que je n'en rirai pas." "Savez-vous, lui répondite-elle le 15 juillet 1842, que vous me faites une drôle de question en me demandant si je connais beaucoup de femmes comme moi? Il faudra vous dire, non. Le motif? Ce n'est que dans l'intimité qu'on peut approfondir le caractère d'une femme; il en existe, sans doute, beaucoup qui me ressemblent et qui valent mieux, mais sans le concours de certaines circonstances, vous ne pourrez les découvrir. Examinez combien il en a fallu pour que j'osasse vous confier mon âme; retranchez-en une seule, et je passais inaperçue à vos regards. Mais quand vous me demandez si une femme telle que vous la voulez peut donner le bonheur, oh! pour cela oui, un bonheur que la parole ne peut exprimer, un bonheur céleste. Et si cette femme est rencontrée par un frère d'âme, par un homme qui sache son prix, qui la reçoit dans ses bras comme un présent du ciel, alors, il passe quelquechose de funeste sur leur destinée, une semblable félicité n'est pas faite pour de pauvres enfants de péché, et ces deux âmes soeurs sont séparées par le mahleur ou par la mort." Ces passages sont extraits de La Jeunesse d'Henri- Frédéric Amiel, Lettres à sa famille, ses amis, ses amies, pour servir d'introduction au journal intime (1837-1849), Stock, 1835.



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