Lundi 22 Juillet 72. Genève.
(11 heures matin.) Encore une matinée
saccagée par les piétinements, remuements
et démarches nécessaires. Le visa du
Consulat s'est donné trop tard pour que je pusse
partir avant midi. Je n'irai qu'à Chambéry,
ce soir.
Du reste, trouvé encore à ranger et
déranger chez moi, et dans mes préparatifs
(j'avais par exemple emballé de l'alcali volatil
pour de l'alcool de menthe),
Feuilleté la Morale des Poètes
(Moustalon), rangé le reliquat de mes lettres et
paperasses.
J'en ai fini avec la maison Dav[idl*. - Certains
détails que me donne la servante me prouvent que
toutes mes conjectures étaient plus que
fondées,. la dame défend qu'aucun plat soit
bon et compte les bouchées et les
gorgées des convives de ses sordides repas. J'ai
honte pour cette effronterie rapace, qui ne rougit de
rien, Fi et pouah ! N'avoir ni entraille, ni bonne
grâce, ni pudeur, ni équité, quelle
portion congrue ! Cette dame-là
dégoûterait de tout son sexe. Tournons cette
page et n'y pensons plus. J'ai laissé ma
photographie qui avait été demandée,
mais je n'emporte qu'un vilain souvenir,
Maintenant, vogue la galère. Tâchons de nous
faire du bien et au retour prenons d'autres arrangements.
Une chose est certaine, c'est que le.présent est
intenable, et que je me tiendrai désormais
à distance de certaine le vampire à
jupon
(Chambery) 10 heures soir. Hôtel des
Princes, N°14. Parti à 3 heures 38 du soir.
Arrivé ici seulement à 8 heures soir, soit
longtemps après l'heure du programme officiel.
Accumulé une multitude d'impressions depuis douze
heures, déjà au Bureau du Consulat, puis en
wagon, puis à Bellegarde, à Culoz, et enfin
à Chambéry. Le résumé c'est
la percepion nette d'un peuple mineur, et d'une
civilisation inférieure.
Au Bureau, on sentait déjà la
servilité du troupeau. En wagon, sur cinq
Français dans mon compartiment, quatre
décorés, deux. prêtres, deux vieux
officiers, toute la France officielle ; plus
d'amabilité ni de conversation.. Ignorance. Mes
deux cartes de géographie émerveillent
colonel et major. Dans l'omnibus à Genève,
de Culoz à Chambéry, tout ce que je vois et
entends m'étonne et me fait pitié.
Longuement promené sur boulevard de
Chambéry, écouté et regardé.
L'intuition de cette vie déracinée, vide et
frivole des soldats, des prêtres, des habitants de
province m'a rempli de tristesse. Quelle chance nous
avons eue au XVI` siècle d'échapper
à cette misérable pénurie
catholique..
Ce qui m'a intéressé, c'est
le cours du Rhône, le lac du Bourget (chanté
le Lac au passage), les Charmettes et le
paysage de Chambéry regardé au
crépuscule depuis la lanterne de la tour du
Château Ducal.
Impressions subjectives : Retrouvé
le plaisir de voir, de circuler, d'interroger ; celui de
manger et de boire, après le
carême de Beauregard..
La journée a été étouffante.
J'écris in naturalibus pour faire
sécher mes vêtements intimes. Mais je
redeviens voyageur. Un air me tinte encore dans les
oreilles.
Ils font
eux-mêmes leur police
Que les canards sont donc heureux !
disait le chanteur du Café des
Eléphants.
J'aime, ce me semble, les Savoyards, mais je n'estime pas
les Français, sauf exception. Ils nous montrent
à peu près tout ce qu'il ne faut pas faire.
Individuellement, ils peuvent être gentils (et
combien pour cent méritent
l'épithète ?) ; mais toute cette
civilisation est d'un type détestable,
antilibérale et anti-humaine. Ils sont valets et
supportent à l'intérieur ce que ni Suisses,
ni Américains, ni Anglais, ni Hollandais ne
supporteraient.
31 juillet 1872. Allevard-les-Bains. / Isère.
Dauphiné. France.
Interruption de neuf jours. Je la regrette. C'est un
mauvais signe. Et en effet je suis
très-mécontent. Beaucoup de frais, point de
profit. Perdu mon temps, ma peine et presque mon
espérance. La nuit dernière a
été affreuse. Et je suis arrivé ici
par mesure de précaution et de provision ! Aussi,
je me suis fait du mauvais sang et ma barbe a beaucoup
blanchi.
Récapitulons.
Emploi du temps.
Mardi 23 Juillet Pas dormi à
Chambéry ; compté toutes les heures,
entendu toutes les sonneries. Arrivé
à Allevard (station Goncelin, omnibus 1 '/2
heure) pour le
déjeuner de 10 heures matin. Descendu
à l'hôtel du Chalet : les
Serment, les
Claparède.
Fait connaissance avec le pays. Consulté le
Docteur Chataing sous-inspecteur des eaux.
Mercredi 24 Suivi le traitement. Bains, douches
pharyngiennes,
Jeudi 25 gargarismes, reniflements, inhalations. Cela
prend
Vendredi 26 bien cinq heures par jour. Mal dormi dans une
chambrette étouffée.
Samedi 27 Excursion à la Grande Chartreuse avec
Clapar[ède]
Dimanche 28 et son aîné, M' Parisse et son
fils, plus le curé de Pontoise.
Presque rien dormi au couvent, et rien du tout à
Grenoble (Hôtel des Trois dauphins), pour cause de
Kangourisme.
Lundi 29. Revenu pour 10 heures matin. Repris avec
lassitude ce traitement fastidieux.
Mardi 30. Brouillement de l'estomac le soir. Nuit
horrible : congestion à la tête, rage de
dents, passé la nuit sur une chaise à
gémir, et à ouvrir de temps à autre
la fenêtre. Interminable orage.
Purgatoire.
31 Juillet. Ce matin, fortement tenté de repartir
et de planter là un essai qui ne me promet rien de
bon. Revu le docteur. Retenu une autre chambre.
Délassements : Causerie, quelques parties de
boules et d'échecs.
Correspondance- Lettres reçues de
Ur[anie]*, Cal[i]*,
Sér[iosa]*.
Lettres écrites à : Cal[i]*,
Sér[iosa]* et un avis à
David*.
Lecture : Les journaux français
1 volume de Sainte-Beuve
'/2 volume d'Emerson.
Laure (Monographie sur les Eaux d'Allevard).
Impression générale : Ennui et
tristesse. Vide par désuvrement forcé
et sentiment de détérioration croissante
(le sommeil, le cerveau, l'estomac qui étaient
solides me donnent du chagrin).
Fausse route, déclin, caducité,
l'irréparable !
L'avenir m'épouvante. Dégoût de la
vie. Honte de ma destinée. Deux mains amies
m'ont soutenu. En revanche, appris une perfidie et une
indignité de l'une de mes cousines contre moi.
(Ca[roline]* travaille sur
Sér[iosa]* et a eu la lâcheté
de l'appeler chez elle pour lui parler de Blonay et des
cancans annexes.) C'est la règle dans notre
famille. Sitôt qu'il y a une joie à
détruire se présente une parente de bonne
volonté. C'est odieux, mais c'est ainsi. Ma
parenté me haïrait, qu'elle ne
procéderait pas autrement. Et pourtant cette haine
est gratuite, car je n'ai jamais cherché à
nuire et j'ai évité de contrister. Mais je
ne puis obtenir la réciproque. On ne m'aide jamais
à vivre ; mais on espionne mes pauvres petits
secrets de cur et on empoisonne mes fleurs autant
qu'on le peut. Cette Schadenfreude, cette
volupté de faire souffrir a un caractère
infernal. Que l'indifférence paraît
bénigne et souhaitable, à côté
de cette méchante sollicitude.
« Par imprudence aurais-je fait du mal ?
Cette crainte me torture. Et pourtant je ne veux pour
vous que le suprême bien et la joie la
meilleure. Jamais je ne l'ai senti plus
complètement qu'aujourd'hui".
Ces paroles de Cesca* me font oublier les vilenies
domestiques. Cette amie-là est paix,
charité, édification. Plus je connais
les autres, plus je l'estime. C'est bien pourquoi le
monde n'aura pas de repos qu'il ne m'ait
arraché cette consolation.
Samedi 3 Août 72. Allevard.
(2 heures soir.) Ciel gris, pluie, froidure. Nuit assez
bonne, encore congestive cependant, dents douloureuses au
réveil.
Senti clairement que Tibère a raison et
qu'à cinquante ans chacun devrait se passer de
médecin et ne plus consulter que son
expérience personnelle, pour ce qui lui est bon ou
nuisible. Chaque essai nouveau est une secousse qui nous
use, et l'hygiène qui nous conserve est plus
importante que la soi-disant thérapeutique qui
nous lime. Mais cette vigilance est si ennuyeuse.
Depuis quelques semaines, cruellement blanchi. Je suis
bombardé barbon à l'improviste. Les
septuagénaires me prennent pour un camarade. En
passant la revue de tant de barbes grises à
Allevard, j'aperçois l'image de moi-même, et
j'ai conscience de ma laideur vénérable. Il
me semble qu'un abîme vient de se creuser entre moi
et les jeunes femmes, ou même les femmes en
général. J'ose à peine affronter
leur compagnie, car je sens ce qu'elles pensent. Qu'il
est amer de devenir un vieux par la surface, quand on est
encore d'un autre âge par l'imagination, le
cur, les goûts et les habitudes. C'est une
sorte de déportation imprévue et soudaine.
L'âme en est interdite.
Ma vie devient tout bonnement impossible et intenable.
Tout se ferme devant moi : le mariage, le professorat, la
vie à Genève, l'émigration, le
travail de cabinet. Tout s'évanouit avec la
santé. Je ne sais même matériellement
où abriter les années qui peuvent me rester
encore. La vie de pension ? elle suppose une santé
régulière. Un ménage de
garçon ? il me fait horreur. L'asile chez quelque
parent ? impraticable ; chez quelque ami ? qui
accepterait cette corvée ?
Tout ramène au mariage : mais pour une
barbe grise, il est ridicule ; avec un revenu de fr. 5000
il est téméraire, pour un
valétudinaire il est peu
généreux.
Et cependant, si cet acte insensé était
réclamé comme une grâce, par un coeur
plein de dévouement ? Si l'on ne te demandait
qu'un peu de résolution et de courage pour se
consacrer à toi ? Enfant gâté, ne
sais-tu pas jusqu'à deux femmes, qui même
à cette douzième heure, accepteraient ton
nom, pour te soigner, te réjouir, te sauver ?
Qu'est-ce donc qui te retient, sinon le manque
d'énergie et d'espérance, sinon l'apathie
et le doute ? Tu n'as plus foi à la vie ni au
monde, et tu n'oses rien entreprendre. Tu crains aussi de
faire de la peine. Tu n'entends pas la voix unique et
simple qui dit : Mon fils, telle est ta destinée
et ton devoir. Fais ceci et tu vivras.
(9 heures soir.) Lu 116
pages du Mémoire N" I. Jolie lettre de ma
filleule* qui n'avait pas encore reçu la mienne,
et essayait de s'en piquer, tout en me racontant le
Congrès scolaire de
Genève. Il a plu ici, quasi tout le
jour. Joué aux Dames tout le soir.
Maintenant l'ondée tinte comme une cascade.
Du reste, c'est cet après-midi que je suis
rentré dans mon assiette et que j'ai
retrouvé mon équilibre physique, et mon
ressort habituel. Il est agréable de se reprendre,
et de refaire connaissance, après ces
séparations de soi-même, dont n'ont pas
l'idée les gens robustes que n'affectent pas les
malaises artificiels communiqués par les agents
thérapeutiques.
Du reste, c'est l'un des effets évidents de
l'âge ; je me remettais jadis en harmonie avec un
nouveau milieu dans l'espace de quelques heures. A
présent, c'est dix jours qu'il me faut. De
même pour les saignées, les pertes, les
chagrins. L'élasticité restauratrice est
réduite de moitié ou des deux tiers. La
souplesse, l'énergie, la gaieté ont
diminué à proportion. Aussitôt
atteint par les misères variées de la
cachexie, j'ai mis tout au pire et jeté le manche
après la cognée, non que tout soit perdu,
mais tout est fané et entamé. En voyant que
malgré mes précautions, j'étais plus
débile et plus fragile que beaucoup de
septuagénaires, j'ai cédé au
découragement absolu. Les rebuts me
déplaisent. Mes rogatons autant que ceux
d'autrui.
Si j'avais un but, une espérance, un
intérêt dans la vie, je crois aussi que je
me porterais mieux. Cet état d'abattement et de
renoncement chroniques, mêlé de souci et de
perplexité, favorise tous les malaises et
accélère la vieillesse. La
démoralisation perpétuelle est un poison
lent, qui use et fuse son homme. La foi et la
volonté sont des forces physiologiques. Une
ambition déterminée est un soutien et un
mobile.
Un amour résolu est une nouvelle jeunesse. Tout au
contraire, lorsqu'on a peur de tout et qu'on doute de
tout, on se pousse soi-même vers la tombe.
Das
Glück ist keinem ferner als dem
Trägen.
Dimanche 4 Août 72.
(1 heure soir.) Le beau temps revenu.
Eveil gai à 5 heures matin. Tête libre,
pensées graves. Cartesianische
Weltanschauung.' La raison et la
volonté me sont apparues comme les deux
déesses de la vie pratique. Senti que la
clarté et la décision affranchissaient
l'homme. Reconnu que tout mon bon sens ne me servait que
pour les autres et m'abandonnait pour mon compte. Et
aperçu distinctement la cause de cette sottise.
Cette cause est l'orgueil dans la timidité. Mon
orgueil se refuse à constater des
impossibilités, des limites, des obstacles
invincibles. Ma timidité ayant peu
d'espérances, ne croit pas au succès de la
haute lutte. En sorte que ne voulant pas être
vaincu, je n'entre pas même dans la lice, pour
n'être pas détrôné, j'ai
abdiqué la couronne d'avance ; j'ai essayé
d'extirper jusqu'au désir, afin de couper court au
tragique et au ridicule à la fois. Je n'ai
aspiré qu'à l'indépendance.
Et le résultat ? Illusoire. Je dépends de
tout, de ma santé, de quelques affections, de mes
petites rentes, etc. Je n'ai pas su me tenir dans
l'impassibilité stoïque, dans
l'invulnérabilité du point
mathématique, et d'autre part je n'ai pas su
vaincre, m'approprier les choses, m'imposer au monde. Je
n'ai su ni m'abstenir jusqu'au bout, ni conquérir
à temps. J'ai hésité entre les
méthodes contraires ; j'ai oublié
l'âge, les infirmités et toutes les
anicroches éventuelles de la destinée. En
un mot, par orgueil et faiblesse, j'ai
péché contre le bon sens.
Le bon sens nous juge, nous classe, nous
compare, nous coordonne et nous subordonne. Il nous
assigne un but déterminé. Bref, il nous
dirige dans la vie pratique. Mais c'est la vie
pratique que j'ai détesté. Vais-je, vingt
ans trop tard, ânonner et patauger dans une
carrière dont je me suis détourné en
temps utile ? Vais-je débuter dans la
carrière du journal, de la revue, du feuilleton,
de la vie domestique, avec une barbe blanche ?
Qui n'a pas
l'esprit de son âge
De son âge a tout le malheur
Il faudrait trouver la conclusion logique de mes
cinquante premières années ? une bonne fin,
satisfaisant la sagesse, la conscience et si possible le
cur.
Tout
établissement vient tard et dure peu.
Je le sais ; mais il est horrible, quand on ne tient
qu'à une seule chose, à l'affection, de
mourir seul. (Du reste j'ai promis à Délio*
de ne pas mourir ainsi.)
(10 heures soir.) Lettre de Dav[id]*-.
Lettre à Sér[iosa]*.
Lundi 5 Août 72. Allevard.
(3 heures soir.) Rêvé toute la nuit à
V. Ch[erbuliez]* sans doute parce que c'est mon
reproche vivant, et qu'il fait tout ce que j'aurais
dû faire.
Achevé le Mémoire N° 2 (Epigraphe : La
liberté est un mystère).
Mal aux dents trois, quatre, cinq fois chaque jour,
après la toilette, les gargarismes, etc. Il faut
que le soufre attaque les dents plombées.
Sentiment de vide,
d'acédie, d'apathie et d'ennui. Temps gris,
paysage languissant et bâillant. Ces
Mémoires, ce concours me font la même
impression. Reizlosigkeit
(7 heures soir.) Deux lettres de
Genève : Cali* et Ur[anie]*.
Celle-ci est rayonnante ; Tallichet
est aux petits soins avec elle, et la paiera d'avance ;
Rich[ard] l'éditeur lui fait des offres.
Bref tout va bien, et le sommeil est revenu. On traite la
naïade d'Allevard de sotte lavandière et on
déteste Harpagona qui a manqué à son
devoir. (9 heures soir.) Réponse
immédiate à Cali*, qui laisse toujours
obscur le point essentiel, tout en voulant me rendre
service. Sentiment de malaise, de froid et
d'indigestion. Al letto !
Mardi 6 Août 72. Allevard.
(7 heures matin.) Temps joliet ; je m'éveille, la
tête fraîche, avec l'illusion agréable
de la santé. Grand départ, huit personnes,
le sommet de notre table. Aspect de Septembre. Le
soleil se dégage à travers un ciel
floconneux et lance un rayon dans l'une des
fenêtres de ma chambrette d'angle. Le vacarme de la
maison à 6 heures matin (les domestiques sont
au-dessus de ma tête) fait place à une
tranquillité rêveuse. Les coqs se taisent.
Je n'entends que des bêlements lointains et le
bruit du Bréda, qui écume dans sa gorge
boisée. Bref, la journée se présente
bien ; albo notanda
lapillo. Est-ce que vraiment les jours de
bien-être, ceux où l'on pense avec aisance
et où l'on sourit à la vie, ne me seront
plus dispensés qu'avec avarice ? Est-ce que le
fond sera semblable à ces deux derniers mois,
noirâtre avec quelques éclaircies ? Faut-il
m'habituer à cette idée, d'une
carrière finie, d'une cacochymie chronique ?
Filé-je le coton de mon pauvre ami
Heim* ? C'est assez vraisemblable. Pour que la
sixième dizaine soit vaillante, il faut
n'être pas en démolition à la fin du
dixième lustre.
La prophétie d'Eg[érie]* sera
accomplie : je ne ferai rien et n'aboutirai à rien
; fruit sec, par ajournement et irrésolution.
J'aurai toujours attendu le temps utile et laissé
passer toutes les occasions, manque d'audace et de bon
sens.
Et quand nous
retournons les yeux, la mort est
là.'
Rêveur atermoyant, qui piétine sur
place,
En mettant bout à bout tant de pas
indécis,
Quel mont n'aurais-tu pas pu gravir ? quel espace
N'auraient pas découvert tes regards
éblouis ?
En redoutant l'erreur, le regret et la honte
A ne rien désirer ton âme s'obstina ;
Mais qui ne risque rien n'a rien ; qui ne surmonte
Pas son cur, aura-t-il même le Nirvana ?
(10 heures soir.) Très belle journée,
pure et claire. Elasticité et entrain. Parcouru
les environs (château du Treuil, bords du
Bréda, le Bout du monde), trois parties
d'échecs au café des Bains, avec des
Messieurs décorés, dont j'ignore les noms.
Première journée sans mal de dents.
Lettre de Sér[iosa]* (neuf pages).
Mauvaise nouvelle. Mme G[ruaz]* l'entortille et
veut aller passer trois semaines à
Ch[ernex]. C'est une seconde édition de la
grand'mère P[olack] * ou
d'Eg[érie]*-, une ennemie intime, un ver
rongeur, s'établissant dans une de mes affections,
pour la détruire. Oh ! que ces luttes contre
l'infiniment petit, contre l'ignoble et le
méprisable, c'est-à-dire contre les
insinuations sourdes me sont odieuses ! En
même temps, Sér[iosa]* s'accuse et
s'humilie, la pauvre âme ! tandis qu'elle est
blanche comme neige.
Mercredi 7 Août 72. 15me jour d'Allevard.
(8 heures matin.) Rêve dorsal. P[erte]
S[éminale]. Schlimm ! Heureusement
... n'y était pour rien. Temps
cendré. Mme G[ruaz]" me devient
antipathique. Plus je pense à sa conduite, plus je
la trouve lâche et immotivée. Vraiment j'ai
du guignon avec ma famille.
(10 heures soir.) Vrai déluge depuis 2 heures
après-midi, commencé par un orage
impétueux, continué par une trombe et
prolongé par un chapelet d'averses qui se
rejoignent toutes.
Reçu de Sér[iosa]* un paquet de six
journaux (Journal de Genève), attention
délicate, arrivée à point
nommé, et parfaitement imprévue. Parlez-moi
des amies pour ces prévenances aimables.
Répliqué par une lettre cordiale, où
j'effleure seulement la consultation G[ruaz]*,
afin de ne pas mélanger les impressions
pénibles aux émotions gracieuses.
Beaucoup joué aux échecs, soit au
Café des Bains, soit ici au Chalet.
Causeries : les belles cures d'Allevard ; les soeurs de
charité en France (22000 ; cinq ans de noviciat ;
voeux annuels), soeurs hospitalières, soeurs du
Saint-Esprit ; les vins coupés, forcés,
mêlés ; l'énorme diminution des
vignobles dans le Midi, depuis les diverses maladies du
raisin et du cep (l'oïdium, la Phylloxéra) ;
etc. Nous n'avons plus à table qu'un curé
(de Salon dans la Camargue), et un jeune abbé qui
danse à son pipeau. Les sociétés des
deux chambres se sont réunies et mangent
ensemble.
Le fils de la maison, Louis Vacher, nous a chanté
une jolie romance de Scudo (le Fil de la Vierge), et
chante du reste tous les soirs. Notre hôte a sept
enfants, dont l'aînée est soeur de
charité, et l'aîné mécanicien.
Louis, 20 ans, se destine à la médecine. Ce
brave garçon, foudroyé il y a cinq à
six semaines, a quelque peine à se remettre. Il a
fait ses études à Grenoble et compte les
continuer à Lyon.
Je regarde un peu vivre cette société
française. Qu'est-ce qui fait sa cohésion ?
l'habitude et la force. Sans l'armée et la
gendarmerie, l'anarchie serait bientôt faite. On
chercherait longtemps un homme libre dans cette
République.
« Bavard, jobard, vantard et ignorant, toujours en
scène et en pose, toujours dépourvu de bon
sens : la formule est succincte, mais discourtoise. Avec
le catholicisme en moins et la chasteté en plus,
la France serait guérissable. Telle qu'elle est,
elle n'échappera pas au sort des
républiques espagnoles, la dictature militaire,
avec révolutions périodiques et sanglantes,
à perpétuité.
Jeudi 8 Août 72. Allevard.
(Midi.) Après quelques heures de soleil, nous
revoici au régime de la pluie. Le déluge
d'hier n'a nullement tari la source des ondées.
Des départs : on serre les rangs.
(10 heures soir.) Il pleut depuis un tour de cadran, et
avec un entrain qui redouble au lieu de diminuer. Pris
congé d'une foule de personnes qui partent demain.
Confié à Mr Bornand (de
Genève) les N°s I et II du concours Disdier,
pour les remettre personnellement à E.
H[umbert]* Lettre à ma filleule*,
qui a été bien gentille.
Lettre de ma soeur L[aure]*, la première
depuis longtemps qui ne me serre pas le coeur, et qui m'a
presque fait plaisir. Il ne paraît pas
qu'Aménaïde* soit arrivée
d'Athènes. En revanche mon neveu Jules'**, le
carabin, passe ses vacances auprès de sa
mère.
On demande ce que sont devenues les spirituelles
Françaises ? Toutes les demoiselles qui ont
passé par ici sont des morceaux épais
d'encolure et d'intelligence, que je trouve des moins
séduisants. Ma voisine de table, grasse dinde de
Montélimart, courte et lourde, avec un teint brun
et un sourire niais, est un échantillon peu
flatteur de l'espèce. Impossible de rien tirer de
cette glaise : cela n'a ni esprit naturel, ni
curiosité, ni instruction, ni observation ; cela
est borné, charnu et bête. Il faudrait
chatouiller cette grosse fille, pour qu'elle
s'intéressât à quelque chose.
L[oui]s l'a fait polker ce soir, et elle a
joué au loto : ces deux exercices ont jeté
l'étincelle dans cette ragote Galathée.
Elle a eu l'air de s'amuser parfaitement. La dinde avait
trouvé son étang : quel stupide oiseau
! Je n'ai pas encore rencontré à ces
bains une figure qui me soit sympathique et qui m'ait
fait désirer meilleure connaissance. Les femmes me
sont encore plus indifférentes que les hommes, et
ne me disent rien du tout. Les petites filles de six ans
disent à celles de cinq : Mademoiselle !
Tout ce monde-là paraît dépourvu de
pensée propre, de vie personnelle, d'écho
intérieur, d'idéal. On y bâille
d'avance, à moins de le prendre au comique et au
satirique. Depuis seize jours que j'entends babiller tout
le jour, je n'ai pas aperçu une conversation, sauf
celles que Serment et moi avons amenées avec deux
curés (l'un de Carpentras, l'autre de Lyon). Le
vide d'idées est absolu.
Vendredi 9 Août 72. Allevard.
(5 heures soir.) Décidément j'ai vieilli de
dix ans depuis dix mois. C'est une démolition, un
effondrement. Le miroir me fait reculer de
dégoût et d'horreur. Je suis devenu
subitement mon propre
père.'O papai !
Quelle humiliation ! Cet aspect
septuagénaire m'ôte le courage et les
forces, me démoralise.
(10 heures soir.) Lu la moitié du gros
mémoire (N° 5).
Reçu deux lettres : Cali* et Félix*
(datée des Grisons). Après
dîner, promenade solitaire. Grasse et verte
vallée, riche en bois et en cultures. Jolis
chemins de montagne. Les attelages à
vaches. Le sulfatage des poteaux.
Vignes en hutins. Les
épis cueillis avant la paille : deux
moissons au lieu d'une.
Au retour, le vieux propriétaire de la Camargue,
Mr Revoil, me présente son neveu,
l'archéologue Revoil, venu en visite depuis Aix.
Ce dernier étudie les monuments carlovingiens et
en a découvert de nombreux dans le midi de la
France. C'est un homme instruit et aimable, fin dans sa
partie, mais qui ne sait pas l'allemand. Au moyen de
marques et monogrammes, il a constaté que
dès le 9ème et 10eme siècle, les
tâcherons et corporations maçonnes
étaient ambulants et pouvaient travailler d'abord
à Toulouse, puis à Spire. Certains dessins
et ornements supplémentaires étaient la
signature de telle ou telle bande ouvrière. Il a
aussi déchiffré les noms d'une douzaine
d'architectes inconnus et a près de 5000
estampages dans ses portefeuilles.
J'éprouve un rafraîchissement
intérieur des plus vifs à entendre un
spécialiste parler avec un vocabulaire
élégant et précis, et des
connaissances exactes. Cela repose du verbiage vide des
gens vulgaires et des gens du monde. Heureux les savants
!
(deux guérisons curieuses :
Contre la pyrosis : 2 gouttes de laudanum
avant le repas, et 3 gouttes d'acide
chlorhydrique après. - Moyen d'Aix.
Contre des névralgies de trois jours une
projection à la face d'un liquide corrosif ;
moyen instantané d'un médecin grec de
Constantinople.
La rebouteuse de Venise).
Ecrit à Sougey-Avizard, qui m'est sorti de la
tête depuis quinze jours. Je l'invite à
venir me voir à Allevard.
Samedi 10 Août 72. Allevard.
(10 heures soir.) Jolie journée. Lu les
cahiers 5, 6 et 7 du Mémoire V. Le nombre
des baigneurs a diminué de moitié.
Dix pages de Sériosà* :
« Vous dites que je vous fais parfois du
bien. C'est singulier, il me semble au contraire qu'il
me vient tout de vous. Combien vous m'aurez
donné de bonheur ! Vous vous le rappellerez
quelquefois, n'est-ce pas ? »
Ma pauvre petite sainte ne veut que le bien.
« Sous les souhaits de la paix du
cloître qui sait s'il ne se cache pas un
certain. manque de courage pour soi et de foi dans les
autres, une certaine défaillance du coeur
aimant ? »
Je ne puis pourtant pas lui dire : Pardon, j'ai foi en
vous, mais pas en moi et moins encore dans la
Destinée ou dans la Providence. La vie ne
présente jamais que des demi-solutions et des
demi-joies ; elle vend horriblement cher les faveurs
qu'elle semble accorder ; et à côté
de chaque fruit qu'elle semble offrir, elle écrit
le mot : Inaccessible !
Jamais rien
de complet ; jamais un plaisir pur
On ne saurait manger
morceau qui nous
profite .
Dimanche 11 Août. Départs tous les
jours. Le personnel des "curistes" s'est renouvelé
presque en entier. La seconde floraison me paraît
plus intéressante que la première, moins
bêtement frivole ; le bétail de la mode, les
demoiselles à pouf et les gandins à la raie
médiane ont disparu.
Lundi 12. Pluie le matin, beau temps après-midi.
Achevé le gros mémoire N° V.
Ecrit à l'ami Elis. Chen[aud]*
(d'Aix). Lecture : Adolphe par B. Constant,
chef d'oeuvre d'analyse psychologique et de style
délié, riche en nuances fines et en
expressions exquises.
Mardi 13. Grosse pluie le matin, beau temps depuis dix
heures. Lecture : G. Sand (amour de
l'âge d'or), que j'avais oublié et qui est
ennuyeux. J'aime mieux, je crois, Spiridion et les
Cordes de la lyre.
Départ de M' Révoil de Servanes, grand
vieillard spirituel et de bonne compagnie, que je
regrette. Il habite Aix l'hiver, et m'a fait faire la
connaissance de son neveu, l'archéologue
Révoil (en quête de tous les monuments
carlovingiens). Il s'extasiait, me sachant Genevois, de
mon parler sans accent ; on vous croirait l'un de nous,
un Parisien. Comment avez-vous fait cela ? Un autre
voisin, M' Lautour d'Alençon m'a demandé
deux fois si l'on parlait français à
Genève. Mais sa femme et ses filles sont
agréables et avenantes. Paix à son
ignorance ingénue. Il nous a conté que
visitant une grande ferme qu'il a non loin de Paris, il
croyait trouver tout saccagé. Tout au contraire
les Prussiens n'avaient touché à rien,
payé leurs réquisitions, et fait venir du
blé pour les semailles du fermier, en sorte que
celui-ci, loin de demander grâce au
propriétaire, s'était acquitté
comptant. Cela est arrivé probablement sur
mille autres points ; pas un journal n'en a parlé.
Ce peuple a horreur de la vérité qui
dérange son amour-propre, sa fiction et sa
jactance. Son thème, c'est que la barbarie a
vaincu la civilisation ; et comme ce thème est le
contraire du fait, il y a eu depuis Août 1870 une
convention tacite du journalisme pour mentir
patriotiquement, par la parole ou par le silence. La
fraude, dite pieuse, est l'ulcère des peuples
dégénérés ; et l'institutrice
de l'anti-véracité c'est la religion
romaine, qui se met au-dessus de la vérité
historique et scientifique, qui supprime la bonne foi au
profit de la foi, et qui a des dispenses de
probité pour tout ce qui sert la bonne cause.
Mercredi 14 Août. Encore . Allevard.
Joli temps. Départ de Mme` Broise (de
Montélimart), de la Ctesse de Vorax.
Causé du lycée (ou collège) de
Cluny, où se forment des
élèves-maîtres, organisation de
Duruy, que le père de l'élève me
disait une oeuvre réussie.
Lecture : Balzac (le Médecin de campagne),
oeuvre riche d'idées. On nous fait faire maigre
tout le jour, à cause de l'Assomption, dont la
Catholicité fait la première des
fêtes chrétiennes, suivant la logique de la
Mariolâtrie.
Fait sa feuille de route à la famille Lautour
(d'Aunou près Alençon), qui rentre chez
elle par la Suisse. Mlle Juliette me raconte son mechef:
une insolation en Février et un traitement
à l'iode. Depuis lors, elle est sans force et
tousse continuellement. Sa voix a ce timbre mat, de
mauvais augure, que je connais bien, et qui rend la
parole une fatigue.
Nuit dernière fâcheuse : beaucoup
toussé et peu dormi.
Jeudi 15 Août 72. Assomption, ou Saint
Napoléon.
(7 heures matin.) Juliette, la blonde douce, est partie.
Temps voilé et cendré. Les coqs font
vacarme depuis longtemps. Il y a quelque chose de
détendu, de flasque, d'abandonné dans le
paysage, qui indique la fin. On s'est tout dit. Il n'y
plus qu'à se quitter. - Je repartirai avec une
espérance de moins.
Point de lettres hier ni
avant hier. Tullins, Aix, Genève sont
muets.
Que la vie m'ennuie ! Sans ambition, sans illusion, sans
espérance, sans stimulant, que devenir ? Je sens
que pour moi tout se dissout et se disperse, et que la
mousse m'envahit. Je n'ai plus la force, le courage et le
désir de rien; tout ce qui est à ma
portée me paraît fade et misérable ;
je ne sens nulle part le plan providentiel, la protection
de Dieu (sauf dans l'amitié récente de
Sér[iosa]*), mais la seule force des
choses, et l'inexorable fatalité. D'ailleurs le
problème de ma vie est resté
irrésolu. Je n'ai jamais su exactement ce qu'il me
fallait vouloir, et je n'ai pas consenti à vouloir
au hasard et par pur caprice. J'ai eu horreur de me
tromper et de regretter, et j'ai toujours choisi
l'abstention, parce que je ne suis pas sorti du
doute.
L'amour de l'idéal m'a fait manquer la vie.
L'infini, l'au-delà m'ont gâté le
présent ;
Jadis j'avais l'âme ravie,
Aujourd'hui j'ai le coeur pesant.
Je ne sais plus tirer nul bienfait des
épreuves
Je ne sens plus un Dieu prendre part à mon
sort,
Sans être un époux j'ai des
veuves,
Et de mon vivant je suis mort.
(1 heure soir.)
Lecture : Balzac le colonel
Chabert
Pierre Grassou
Honorine.
Je pousse le temps à l'épaule mais avec
mélancolie, car je sens que je suis sa proie et
qu'à l'issue de mon étourdissement factice
(qui ne peut être long) je retrouverai le monstre
qui me dévorera.
Une intuition, claire dans mon esprit, c'est que le statu
quo pour moi c'est la torpeur, la stérilité
et la détresse. Par moi-même je n'aboutis
qu'à l'indifférence, pis encore au
dégoût. Les choses les plus simples, le
loger, le manger et le boire me deviennent un ennui
quotidien. Tout m'assomme, à commencer par le
gouvernement de ma vie et je me détache de tout.
Supposé une ou deux affections de moins, je
n'aurais plus un motif de me défendre contre la
mort. La vie individuelle est fondée sur le
vouloir, et je déteste l'action, la lutte, la
volonté ; je n'aime que penser et sentir.
Ma situation est donc une impasse. Je suis
condamné à me traîner sans joie
à mon supplice. Je n'ai aucun but et aucun
intérêt véritables.
Il est sûr que le mariage serait un bail nouveau ;
mais le mariage lui-même est un acte de foi, qui
m'est trop difficile comme début; si
j'étais veuf, passe ; je saurais comment on s'y
prend, et ce que cela donne. Mais le risque (et il y a
toujours du loto dans le défi à l'inconnu),
est contre mes goûts et contre mes habitudes ; or,
qui se marie son va-tout. La nature et la
société prennent barre sur lui. Il est
livré, il dépend.
Ma position actuelle est misérable, c'est vrai,
mais je la connais du moins. Une positioti future
pourrait être préférable, mais elle
pourrait être pire ;; et cette seule chance
supprime en moi le désir. D'ailleurs
La crainte
du bonheur est ma fatalité,
et je crains plus encore de ne pas rendre heureux ce
qui reposerait sur moi. Cela revient toujours à
dire : Je n'ai pas de courage, parce que je n'ai pas
d'espérance, et pas d'espérance parce que
je n'ai pas de foi. Il me faudrait avoir l'encouragement
et l'approbation de Dieu, ou l'ordre de ma conscience, et
ces deux voix sont muettes. A leur place, la
destinée me dit : Fais ce que tu veux, tu ne
sauras rien de l'avenir, et tu expieras tes erreurs
à l'égal de tes fautes.
(10 heures soir.) Vu la grande procession des enfants et
des femmes (plus quelques hommes), à l'honneur de
la femme devenue déesse. L'union de
l'humanité avec Dieu est, pour l'imagination
catholique, exprimée surtout par la
maternité de la Vierge. Le Christianisme est la
religion de l'Homme-Dieu ; le catholicisme est le culte
de la Femme-Déesse. Dans la famille
céleste, c'est la Mère de Dieu qui
reçoit les plus nombreux et les plus tendres
hommages. L'union est ici conjugale, à la
fois charnelle et spirituelle, à la manière
des religions mythologiques, et rappelle l'union de
Jupiter et de Sémélé, d'où
sortit le héros des héros, Hercule, l'homme
que ses travaux feront monter dans l'Olympe. Au
fond, la masculinisation de Dieu dans le protestantisme
(les trois personnes divines sont mâles)
était une exhérédation de la femme ;
l'imagination catholique a marché en sens
contraire avec logique et rigueur ; elle a mis le
Dieu-féminin sur l'autel, et la Mariolâtrie
est la vraie essence du romanisme actuel (le
Jésuitisme le montre ouvertement).
Bonne longue lettre de Sér[iosa]* , la
fille du bon Dieu. Elle n'a pas été hier
à Neuchâtel, et a entendu l'autre soir
Amén[aïde]* parler de la
Grèce, chez ma cousine Caro*. Elle admire les
personnes qui parlent bien et ne sait pas que plume en
main, elle a plus de style et d'idées qu'elles.
Amén[aïde] va partir de
Genève pour Lyon, et doit être de retour
à Athènes au commencement de Septembre. Ce
n'est qu'un météore.
Repensé avec charme à son caractère,
à ses mérites, à ses talents.
J'aimerais à la revoir et
Sér[iosa]* m'y engage.
Je m'aperçois du reste que toutes les
bénédictions me paraissent fugitives, et
que privé d'elles quelques jours il me semble en
être sevré pour jamais. Tous mes amis
absents me paraissent morts pour moi, de là ma
rechute perpétuelle dans l'isolement. Ce que je
n'ai pas à cette heure, me fait l'impression
retranché de ma vie. De même, si je
n'écris pas pendant une semaine, j'ai presque
perdu la possibilité d'écrire. De
même après trois mois de vacances, je ne
sais plus manier le professorat. En d'autres termes,
j'anticipe toutes les déperditions et
défections ; j'ai ce que j'ai comme ne l'ayant
pas, et je ne compte sur ce que je tiens pas plus que sur
ce qui m'échappe. Il n'est pas jusqu'à mes
connaissances et à mes pensées que je ne
sente s'enfuir comme des hirondelles de leur nid. Aucun
phénomène ne m'est adhérent, je n'ai
ni la force de cohérence, ni l'instinct
d'appropriation.
Joli dîner : M` Vacher et ses deux fils se mettent
à notre table et font servir du vin
supplémentaire.
Assez gracieuse soirée : une Troyenne à
l'élégante prononciation et Louis
V[acher] font de la musique ; Rostan l'anatomiste
chante la chansonnette comique. Deux parties de
boules, fort disputées avaient
précédé la retraite au salon.
Lecture : Balzac (la Messe de l'athée).
+ Mme Gambier-Hisely à Fernex, « le
quatrième vide, me dit Cesca*, parmi les
hôtes de la pension de Ch[erne]x, en
Septembre dernier. Pauvre femme ! qui eût pu
prévoir une si foudroyante destruction. »
Elle qui paraissait la santé en personne, et qui
avait même les rudesses de la vigueur trop robuste
! Ce qui guérit les autres femmes l'a tuée.
Du reste, F. G[uignard] qui l'a
précédée, était plantureuse
de jeunesse et de force. Ce que c'est que de nous ! Mais
avec l'affreuse et répugnante maladie qui l'a
attaquée, mieux vaut une fin prompte. On ne
pouvait déjà pas la regarder, il y a un an.
Les scrofules lui sourdaient partout. Pauvre femme ! Et
quand je pense... Je l'ai échappé belle !
Comme le monde juge mal des choses et de toutes choses,
et que ses conseils étaient insensés !
« Ne dites pas trop de mal de la vie.
Elle a sa raison d'être quand on éclaire
les esprits et console les coeurs. ...Vous êtes
ma joie ma peine aussi quelquefois, mon conseil
en qui je m'assure toujours. Ainsi plus de scepticisme
découragé, n'est-ce pas ? et plus de
retraite au désert. Cela ne peut pas être
que celui qui sait consoler les autres reste
inconsolé lui-même. »
Sériosa
Vendredi 16 Août 72.
(10 heures soir.) Beau temps. Reçu enfin
une réponse de Elis. Chen[aud]* lequel
quitte des fonctions devenues impossibles et qui l'ont
surmené ; son fils sort d'une longue maladie
d'entrailles, et va fonder un journal à Marseille.
Il a, me dit E. C[henaud]* ce que n'a jamais eu
son père, la chance, laquelle est moins un hasard
qu'un talent.
Sér[iosa]* m'envoie encore deux journaux.
Elle n'oublie rien de ce qui peut me plaire ou me
servir.
Je n'ai pu me décider à faire mes malles et
à partir. Pourquoi ? parce que l'inconnu m'ennuie
et que je ne sais où aller ni que faire, en
quittant Allevard. Continué machinalement
un traitement qui ne me fait aucun bien, car je tousse
passablement et en outre j'ai eu une mauvaise nuit.
Lecture : malsaine. Je n'ai pu mettre la main que sur
deux héroïnes du libertinage (Mlle de Maupin
et Mme Bovary). Ces femmes ne sont que des vulves, des
hiérodules voluptueuses, ignorant le
phénomène de la conscience et se livrant
avec une simplicité cynique au culte de la chair.
Cette dévotion ingénue à Priape est
curieuse en pleine civilisation chrétienne. Le
grand succès de ces deux ouvrages effrontés
montre ce que valent pour une portion notable du public
l'ensemble des conventions et des retenues dont se
composent les moeurs. Au fond, dans la
société française actuelle, comme
chez les Romains du temps d'Ovide, la religion du plaisir
est celle qui a le plus de fidèles. Le prurit est
la grande affaire, et la Vénus facile n'a jamais
vu fêter plus abondamment ses autels.
Luxuria
incubuit
L'adultère est devenu le fumier fécond
de toute une littérature. Le rut humain est le
mystère assez peu mystérieux de toute cette
poésie corruptrice et de tous ces romans
érotiques. C'est sur le sixième sens
que pivote le demi-monde, le quart de monde, et une
partie du grand monde. Et nous jetons
hypocritement la pierre aux gaillardises antiques, aux
Phallophories égyptiennes ou grecques. Mais si le
paganisme ne préchait pas la continence virile, il
a toujours été sévère pour
l'adultère, bien plus que le théâtre
et la littérature de Paris. Quel est le
trait le plus général de la
littérature française depuis le 12eme
siècle ? la galanterie, c'est-à-dire la
guerre aux maris, la chasse aux femmes, la question du
cocuage, pour parler la langue de Molière, ou
l'adultère pour parler avec l'Eglise. Mettre
à mal les vierges, mais surtout les épouses
a toujours paru un tour délicieux et un titre de
gloire pour les cavaliers entreprenants, qui s'estimaient
au nombre de leurs bonnes fortunes, comme les Peaux
rouges au nombre des chevelures attachées à
leur selle. La Mentule est devenue l'axe des
préoccupations universelles, ou plutôt, la
Mentule étant le désir, c'est l'objet du
désir, savoir l'anneau si poétiquement
décrit par Byron, « la porte de la vie et de
la mort, par qui nous naissons et périssons
», c'est le Ktis sur lequel a tourné
l'histoire entière, comme du temps de la Guerre de
Troie. En d'autres termes, la sexualité est
devenue l'obsession de la vie et de l'art ;
l'érotisme a pris le masque de l'amour ;
et la possession per
fas et
nefas
a paru le mobile des mobiles, la clef de
toute chose, la seule chose intéressante.
L'aphrodisiasme sans naïveté est la Muse des
époques de décadence. La lascivité
doit s'y assaisonner de corruption, et même de
crime, pour avoir toute sa saveur.
Je préside depuis deux jours à table.
Départ de M` Goubard, le brave
paysan-maraîcher, de Fontaines lez Châlons
(Bourgogne).
Samedi 17 Août 72. Allevard.
(9 heures matin.) Très bonne nuit, réveil
frais et paisible. Très belle matinée.
Aussi j'ai recommencé à voir,
à sentir selon ma nature, c'est-à-dire
objectivement. Les croupes boisées, le vigoureux
torrent, aux ondes écumeuses, les fumées
bleues et blanches de la forge, l'ombre.verte du chemin
en lacets qui remonte dans les bois au-dessus de la
fonderie, les vaches maigres inondées de soleil,
la procession des « curistes » venant
gargariser à la source, les rocs abrupts
mouillés par les eaux suintantes, les maisons
éparpillées dans les châtaigniers et
les tilleuls, le hâle bleuâtre des
sommités voisines, tout intéressait et
charmait mon regard. Il me semblait être redevenu
jeune et artiste, et mille impressions confuses
s'éveillaient dans les profondeurs encore obscures
de mon ressouvenir.
O la santé, quelle fée ! Quand on ne sent
plus son corps, on est esprit, on vit dans les choses ou
dans les êtres. Le pire effet de la maladie, c'est
de nous emprisonner dans notre pauvre moi, autrement dit,
de nous voler la nature et le monde et de nous
réduire à la besace de notre
subjectivité infime.
(10 heures soir.) Repris et achevé Mme Bovary.
Analysé le gros mémoire N°
cinq. Payé l'Hôtel, le
médecin, tout le monde. Je m'aperçois que
j'ai 410 fr. de moins qu'au départ. En 26 jours,
cela va bien. Cela se rapproche du triple de mes
émoluments de professeur pour le même laps
de temps.
Pris congé des commensaux et du
paysage. Fait mes malles. Veillé au salon. La
Troyenne a fait de la musique (le Fil de
la Vierge, chanté avec beaucoup de
goût).
Et voici l'heure du sommeil.
E. H[umbert]* m'envoie à la
dernière heure le reçu demandé
depuis samedi dernier. Avizard seul n'est pas en
règle. L'homme de Tullius n'a d'excuse que s'il
est mort. Je le crois tombé dans la ganacherie et
je ne compte plus sur lui. Trois ans de patience
permettent de le juger, ce me semble.
Dimanche 18 Août 72. Château de
Challes.
(9 heures soir.) Agréable journée. Temps
superbe. Départ à 6 3/4 heures matin, toute
la famille Vacher me faisant la haie. Revu avec plaisir
la vallée et la gorge, Saint Pierre d'Allevard, la
ruine de la Roche, Mératel et le Graisivaudan,
Château Bayard, Fort Barraux, Montmeillan, Francin,
etc. A Chambéry, point d'omnibus pour
Challes. Je vais à pied ; deux pauvres paysannes
du dit village, se disputant mon petit butin. Je cause
tout en marchant, et feuillette ce triste carnet de la
misère rurale. Toutes deux veuves ont perdu une
fille dans l'explosion de la cartoucherie de
Chambéry en Mars de cette année. Cela ne
mange jamais de viande ; le fromage même est trop
cher. Dans les bonnes journées
d'été, cela gagne 15 sous aux champs, et en
hiver rien. Et le fisc trouve encore moyen de tondre sur
cette indigence. Rien que pour les trous de leur masure,
elles paient trois francs.
A travers des prés tourbeux et marécageux,
j'atteins le Château de Challes, vers 10 3/4 heures
matin. J'avais passablement chaud, mes paysannes m'ayant
rendu mon bagage pour le dernier quart de lieue, sous le
soleil éclatant. J'arrive par les maïs,
l'avenue des platanes, et les terrasses.
M` Guinand, l'hôtelier, et les trois dames, Mme
Guin[and] et ses deux soeurs, me reçoivent
à merveille. Déjeuner digne de Lucullus ;
lu la notice du Docteur Domenget (1842) sur la source
sortie en 1841. Promenade dans les environs. Longue
causerie avec Monsieur et Madame. Avec une
société joyeuse venue de Chambéry (M
et Mad. Favier, M` et Mme Paulet, dame Payeux[?],
M` et Mme Trolliet, l'Anglais Bartley, Ambroise X.,
François Y.) fait trois immenses parties de
boules.
Dîné à table d'hôte (quelques
Genevois, M` et Mme Rossier, un Mr Brolliet), quatre ou
cinq enfants.
Ensuite sauterie au piano, dans le vaste salon. Avec ma
barbe grise, je me sentais vénérable. Mais
c'est curieux de voir son âge dans son miroir, sans
le sentir dans ses jambes ou dans ses goûts.
Et l'enfant
se réveille avec des cheveux blancs.
Je couche dans une jolie chambre qui a dix-huit pieds
de hauteur entre plafond et plancher. Visité les
Bains et les salles de pulvérisation,
goûté l'eau de la source. Fait connaissance
avec les localités, les gens, les choses et le
paysage, vu arriver beaucoup de visites, et maintenant
essayons de dormir.
Lundi 19 Août 72. Genève, Hôtel du
Lion d'Or, N° 26.
(9 '/2 heures soir.) Levé à 5 heures ce
matin, parti une demi-heure plus tard avec mon
hôtelier en char à banc. Temps splendide,
fraîcheur, beaucoup toussé. Charmant paysage
sortant des ombres nocturnes. Flâné une
heure dans Chambéry, où les cafés
n'avaient pas encore du feu et de l'eau chaude. A 8
heures j'étais à Aix-les-Bains.
Revu Tresserves et son point de vue, le château
Durieu, la pension Bossut, et repassé mes
souvenirs de 1851. Mais je me suis apparu, vieux de 20
ans de plus. Observé beaucoup d'embellissements
à Aix, les propylées des Thermes, le
dégagement de l'arc romain (Pompeius Campanus
Vius), la grande promenade publique, la gare et les
quartiers avoisinants. Etablissement tombé : le
Casino. Les deux sources, d'alun (47°), de soufre
(44°). Je ne puis me faire à ma
vénérabilité et à mon
rôle de revenant. Il me semble que cette attitude
de vieille fée qui parle des choses du temps jadis
est l'attitude d'un autre que moi.
Pris le café au mauvais théâtre
bicolore près de la gare. Départ pour
Genève à 11 heures 50, avec 40 minutes
d'arrêt à Culoz. Revu les cinq tunnels du
Jura, et Bellegarde. Repassé avec plaisir les
frontières de la Suisse et jeté un coup
d'oeil amical aux rives connues d'Avully, Cartigny,
etc.
Chemin faisant, revu l'Adolphe de B. Constant.
A Genève continué la vie d'étranger.
Roulé d'hôtel en hôtel ; manqué
un restaurant.
Fait venir le coiffeur et sacrifié au Dieu du
Rhône mes favoris gris-blanc. Repris pour ma barbe
la coupe de ma vingtième année. J'essaie de
m'y habituer. Mais il faudra le rasoir tous les
jours.
A 8 '/2 heures je sors voir la pleine lune, inondant le
lac de ses rayons d'argent, et patatras je tombe dans un
gros de connaissances : Dav[id]*,
Horn[un]g*, mon cousin Eug[ène]* .
Si j'eusse retardé ma métamorphose,
il n'eût plus été temps.
J'apprends qu'Amén[aïde]* est encore
ici demain. Tout va bien.
Mardi 20 Août 72.
(9 heures matin.) Nuit détestable. J'ai
été dévoré par les punaises
à l'Hôtel du Lion d'or (du Lit-on-n'y dort
pas pour être plus vrai). Comme à Berlin
dans certaine chambre d'étudiant j'ai fait la
chasse et la cueillette de ces infâmes bêtes
plates, et j'en ai fait un holocauste dans la cire
bouillante de ma bougie. Le dégoût m'a saisi
à cette rentrée dans ma patrie, sans parler
d'une chambre gaîne, où j'avais à
peine la place d'écrire, du vacarme incessant de
la rue, etc. Le supplice du roulement perpétuel
à travers les sales ou équivoques
couchées de l'hospitalité banale m'a fait
apparaître les voyages sous un jour nouveau.
Comment dormir ? comment rapporter la santé, quand
chaque jour on risque une maladie de peau et une
insomnie. D'ailleurs tous les prix sont ridiculement
chers et dépassent du double par jour ce que me
rapporte mon traitement ; en sorte que
l'impossibilité de continuer est au bout de
l'essai.
Rentré dans mon domicile légal presque avec
joie. Dépouillé un gros paquet de
circulaires, annonces, prospectus, rapports, journaux et
communications. Ma chambre à coucher empestait le
camphre. Fait apporter du petit café voisin mon
déjeuner et senti l'ennui de cette existence sans
feu ni lieu. Je ne sais à cette heure ni où
je dînerai ni où je dormirai ce soir.
(chanté le Lac au
passage),
Musique de Louis Niedermeyer sur l'un des poèmes
des Méditations d'Alphonse de Lamartine.
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après le carême de
Beauregard
Rappelons que la pension David, où Amiel venait de
passer l'hiver, était située 1, rue
Beauregard, à Genève.
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les Serment
Henri Serment (1825-1880), avocat, journaliste et
professeur à l'Ecole préparatoire de
Théologie de la Société
évangélique, fut un ardent adversaire de
l'esclavage. Il avait épousé en 1852
Jeanne-Gamalielle Annevelle.
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les Claparède
Théodore Claparède (1828-1888) était
alors chapelain des prisons à Genève. Cet
historien du protestantisme, qui collabora à
plusieurs revues de théologie, avait
épousé en 1857 Henriette-Valérie
Trembley.
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Congrès scolaire de
Genève
Le quatrième congrès des instituteurs de la
Suisse romande s'était tenu à Genève
du 28 au 31 juillet 1872
RETOUR AU TEXTE
Das Glück ist keinem ferner als
dem Trägen
Trad.: « Nul n'est plus loin du bonheur que le
paresseux ». Julius Hammer, « Heisse Tage
», Schau um dich und Schau in dich.
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Cartesianische
Weltanschauung
Trad.: « Vision du monde cartésienne
».
RETOUR AU TEXTE
Qui n'a pas l'esprit de son âge
De son âge a tout le malheur
Voltaire, Stances à Madame du Châtelet.
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Tout établissement vient tard et
dure peu
Jean de La Fontaine, « Le vieillard et les trois
jeunes hommes », Fables, XI, VIII.
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Reizlosigkeit
Trad.: « Manque d'attrait ».
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Tallichet
Rédacteur de la Bibliothèque
universelle.
RETOUR AU TEXTE
albo notanda lapillo
Trad.: « à marquer d'une pierre
blanche »
RETOUR AU TEXTE
dixième
Orthographe d'Amiel : "dizième"
RETOUR AU TEXTE
Et quand nous retournons les yeux, la
mort est là
Victor Hugo, « A mes amis L.B. et S.B. »,
Feuilles d'automne, XXVII
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O papai !
Interjection de douleur
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Vignes en hutins
Terme du midi de la France, de la Savoie et de
Genève, qui désigne des guirlandes de
vigne.
RETOUR AU TEXTE
Jamais rien de complet ; jamais un
plaisir pur
Cf. Jean de La Fontaine, Le loup et le chien ., Fables,
I, 5.
RETOUR AU TEXTE
On ne saurait manger morceau qui nous
profite
Cf. Jean de La Fontaine, Le lièvre et les
grenouilles ., Fables, II, 14.
RETOUR AU TEXTE
Point de lettres hier ni avant hier.
Tullins, Aix, Genève sont muets
Auguste Sougey-Avizard, qu'Amiel avait incité
à venir le voir, habitait Tullins, sur
l'Isère ; rappelons qu'Elisée Chenaud*
habitait Aix-en-Provence
RETOUR AU TEXTE
La crainte du bonheur est ma
fatalité
Cf. H.-F. Amiel, "Paul à Hélène",
La Part du Rêve.
RETOUR AU TEXTE
Luxuria incubuit
Trad.: « La volupté s'est montrée au
grand jour ».
RETOUR AU TEXTE
per fas et nefas
Trad.: « par le juste et l'injuste »,
c'est-à-dire « par tous les moyens »
RETOUR AU TEXTE
le Fil de la Vierge, chanté
avec beaucoup de goût)
Romance de Paul Scudo.
RETOUR AU TEXTE
Et l'enfant se réveille avec
des cheveux blancs
H.-F. Amiel, « L'excès de prudence », Il
Penseroso, V.
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