De la Ruche, le 31 décembre 1837.
Mon cher oncle,
Reconnaître dignement ta tendresse et
tes bontés, me serait impossible, même pour
la moindre partie. Ainsi je dois avouer ma dette et mon
insolvabilité ! Mais puis-je me borner à
cet aveu ? Non, sans doute. Il faut un témoignage
plus ostensible et plus convaincant de ma
reconnaissance.
Certes, le plus irrécusable, le seul même
qui soit sans réplique, c'est celui de chaque jour
; c'est la déférence habituelle, la
serviabilité, la douceur de tous les instants.
Mais hélas ! je ne le sais que trop bien, sur ces
points-là je suis fort éloigné
d'être à l'abri de tout reproche. Je l'ai
senti, je le sens, et je le sentirai souvent encore.
Puisque le passé de ma conduite n'est pas plus
propre à faire couler sur le présent, que
le présent à faire oublier l'avenir, il ne
me reste qu'un seul parti à prendre : c'est de te
supplier, mon bon oncle, de pardonner à mes
écarts et de les oublier, en faveur des efforts
que je te promets de faire pour changer.
Que de cette année date, s'il est possible, une
ère nouvelle, une espèce de restauration.
Oui, que de cette année commence une époque
de changement d'état, pour tout et pour
tous...
Ce sont-là les voeux bien sincères de ton
neveu et pupille affectionné.
H. FRÉD. AMIEL.