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VOYAGE DE FRANCE
du 20 avril au 7 juillet 1843



Bibliothèque de Genève - Ms fr. 3022
Transcription d'Anne Cottier-Duperrex - Genève 2007




GENÈVE - TABLE DES ETAPES
/ 2 /

        Voyage de Paris - Départ Jeudi 20 Avril 1843 - Diligence Lafitte et Caillard, à 7 heures du matin.
Fanny*, Laurent*, Mr et Made Marin*, les deux Boissonnas* étaient seuls pour le salut d'adieu. - Surpris de me trouver aussi peu affecté. Se ferait-on aux séparations ? Est-ce sécheresse ou plutôt inertie ? On n'est pas dur, insensible, mais distrait, absorbé. On ne pense à rien, voilà tout. Plus tard, quand on pense, regrets, larmes & tristesse viennent. - C'est égal, j'ai été bien froid.

        La campagne tout en fête. Verdure jeune, fraîche, souriante ; soleil gai & brillant ; air doux ; haies & et arbres fruitiers tout en fleurs. C'était une féerie, une allégresse de printemps, qui nous saluait, comme pour nous laisser de plus vifs regrets.
        Compagnon de coupé, Mr Kaufmann libraire. Se rend en voiture à Londres. Nous étions seuls. Regrettait à tout instant ses deux petits enfants . /2 v°/ Oranges. Compagnon survenu de l'impériale, un jeune homme de Chambéry, assuré, jureur, débauché, faisant profession de croire au néant, au panthéisme, et à toute la boutique, retournant à Paris où il a déjà travaillé 5 ans dans l'horlogerie - (Revu son nom).
        Montée du Jura, 2 1/4 heures à pied, par un beau soleil, coupant les zigzag avec grande transpiration. Dîner à Saint-Cergues. Petite dame en noir, d'Aix, Made Dardelle, se rendant à Troyes. Ecrasée de politesses indiscrètes par l'horloger. - Une mère et ses 3 filles, autres voyageurs : l'une fort jolie (paysanne), avec des boules dorées dans les cheveux.
        Col. Jusqu'aux Rousses, grands plateaux de neige des deux côtés, surtout sur la gauche. - Rien de pittoresque, sauf dans un passage, où la partie gauche de la route, à pic, couverte de sapins faisait un vigoureux contraste avec le plat de l'autre partie.
        Aux Rousses, la Douane ; pas trop dérangé ma malle. Fait plomber. - Kaufmann fort tracassé pour sa partie de librairie, notre horloger pour ses limes ; Made Dardelle pour sa caisse de spiritueux, etc.
À Morez, les passeports changés contre la feuille d'intérieur.


 



7 pages blanches + 4 pages de notes : fol. 7 : Conseils de Lèbre, s.d., en 11 points ; George Sand, 18 Mai 1849, fol. 8 et 9 R° : 2 p. ½ sur la poésie, tirées de André - p.89-92 ;




ROUEN - TABLE DES ETAPES
/10/

ROUEN (2e jour) Jeudi 22 juin 1843

        St Vincent, gothique, vieille église, petite. Porche à 4 piliers avec niches & dais. - Autour de l'abside, courent deux nefs et le fond occupé par d'immenses fenêtres à vitraux (il y en a 9), cinq en demi-cercle, deux sur les pans de chaque côté.
Grande nef basse de plafond, abside de 1/3 plus élevée. La 1ère sans galerie, la 2de avec. La 1ère avec piliers nervés. La 2de soutenue par 9 colonnes à chapiteaux dorés & placages dorés sur le fût soutenant dans leur milieu des écussons. - Les cinq arcades du fond, étroites, comprimées circulairement.
        Remarqué : Un petit vaisseau suspendu en ex-voto.

        Palais Bourgtheroulde (place de la Pucelle) Porte délabrée, ancien consulat Norvège Suède. Porte surbaissée.
        I. Au fond d'une cour, palais composé de deux tourelles hexagones, engagées à 4 étages, jointes par un corps de 3 étages, à quatre fenêtres de face (deux importantes, 2 subalternes. Le 3e étage du corps fait mansarde, le seul à ogives flanquées de clochetons, surmontées de [croquis 01], etc.
        Ornements : Entre les fenêtres montent des /10 v°/ contreforts en arches, portant clochetons aux deux premiers étages et se faisant pilastres aux mansardes du 3e. De même aux tourelles des ailes. - 2d et 3e étage, fenêtres carré-long et partagées en 4 ainsi [ croquis 02]. Au 3e le carré long est inséré dans l'ogive.
        Autour et dessous, toutes les fenêtres des 2d et troisième, des tourelles et des corps, des sculptures en bas relief, sujets divers ; (reconnu un naufrage et une pêche au filet).
        Entre les 2 fenêtres du 2d une salamandre dans les flammes (François I).
        Fenêtres des tourelles non carrées, mais à cintre très surbaissé.
II. Ailes. À droite et à gauche de la cour. (L'incendie a détruit celle de droite & la tourelle correspondante.) - 6 arcades surbaissées avec base et attique. Séparées par des pilastres à 3 étages (1 pour l'attique, 1 pour la base) - Base divisée horizontalement en deux. En bas des ornements et figurines. Au-dessus, bas-relief superbe. Entrevue de /11/ Charles VIII & François I au Camp du drap d'or. (Valets de pied avec bourses au bas-ventre, retenant les chevaux - Les deux cortèges dirigés en sens contraire jusqu'à leurs rois à cheval respectifs. -
        Attique, sculptures aussi. Lourds chariots avec hommes & attelages.
        Arcades (6 restent visibles ; 1 loge de portier en cache une dans l'angle à gauche en entrant) & un escalier en dénature une autre à l'autre bout.
Pilastres extérieurs avec guirlandes & coupes, moulures renaissance, goût charmant, chapiteaux à cornes aux angles. - L'arcade : deux rangs de moulures tout autour ; dessous de l'arcade, tout orné ; les retombées intérieures avec pilastres superbes formés d'une colonnette courte, soutenant une urne au-dessus de laquelle sont assis des génies (tout petits, admirables, jouant de la flûte ou portant des coupes, les uns avec oreilles d'âne, 2 par pilastre) surmontés d'un candélabre, qui va jusqu'à la naissance de la voûte en perçant une plaque transversale en chemin et soutenant à son médian, une sorte de fragment de couronne.
/ 11 v°/ St Eloi (église des protestants) gothique. Façade inachevée ; portail fait, la rosace au-dessus à moitié travaillée ; mais des deux tours, l'une ne monte que jusqu'au portail, l'autre jusqu'à la rose.

Palais du duc de Brézé (fait face à la cathédrale).
        Spectacle mélancolique, ce chef-d'œuvre ligne [?] renaissance, bijou de travail, est tout balafré d'ignobles boutiques ; des enseignes pour trouver place ont étouffé toute la ligne des génies & des écussons (deux seuls exceptés). La porte principale a été coupée en haut de deux mesquines fenêtres, & d'une enseigne de marchand de vin ; en bas, on a râclé les marches, recouvert d'un enduit grossier les charmantes ; elle est méconnaissable, il faut se servir pour la deviner de la porte secondaire sur le côté. Un café, un marchand de gants, des pipes, ont rempli le reste.
        Plan ; deux étages - le rez de chaussée plein de boutiques modernes, je ne sais ce qu'il y avait avant. - 1er étage. Petites fenêtres presque carrées.- De chaque côté de /12/ la porte, 3 grandes fenêtres, au 2e une au-dessus de la porte, à cintre surbaissé, distinguée par des niches et dais qui la flanquent ; les autres fenêtres à dessus transversaux. - Des niches aux deux angles de la façade. - 1er étage, deux fenêtres pour une d'en bas ; ou plutôt grand carré, moitié inférieure pleine, moitié supérieure divisée en deux fenêtres - [croquis 03] écussons soutenus par des génies - Toutes les autres chargées de sculptures, moulures, pilastres, très riches, attique magnifiquement orné.

EXTÉRIEUR gothique
Cathédrale. Deux grandes tours inégales, celle de gauche avec toit pointu, 3 étages sévères, du 10e siècle, ogivaux cependant, & un 4e du 15e, d'un tout autre style.
La seconde, postérieure, quadrangulaire pendant 4 étages, octogone au dernier, terminée en plateforme. Toute du même style ; les trois contreforts ornés de statues, avec galeries au 4e et 5e étage, à chaque endroit où le plan se modifie, 4 fenêtres au lieu de 2, octogones au lieu de quadrangulaires - les angles coupés du 5e étage surmontés de clochetons, à côté des faces de l'octogone.
        /12 v°/ Corps de l'église. 3 portes (sans division par le milieu), 1 grande 2 moindres séparées par 4 clochetons en saillie de la façade partant de terre, presque isolés. Derrière chacun d'eux correspond dans la façade, une tour carrée. Donc 4 tours carrées, (moitié hauteur des grandes tours des cloches), surmontant beaucoup les clochetons. Une seule est couverte de son clocher au chapeau. Ces 4 tours sont soudées par le bas jusqu'à la hauteur des clochetons. Trois immenses ogives, posant sur les portes latérales, les lient entr'elles, et se subdivisent transversalement en 3 étages de statues.
        Entre les deux du milieu, une répétition de la grande porte d'au-dessous, & une rose inscrite. Le portail d'en bas, qui fait saillie, est surmonté d'une haute galerie gothique avec garde-fou à jour, dentelles de pierre, coupée elle-même par le grand triangle posé sur l'ogive de la porte, qui va encore couper la rose. Le reste des deux tourelles du milieu est relié par des portiques aériens, découpés, clochetonnés, etc.
Les clochetons ont trois étages de statues. Les deux des bouts sont en construction, les deux du milieu sont seuls vieux.
/13/ Les trois portes sont profondes. L'ogive est élancée. Tympans chargés de sculptures ; zones intérieures chargées de figurines avec leurs piédestaux & dais.
        - Tympan grande porte, génération d'Adam.
Remarque. Entre la grande tour de gauche & la première porte, il y a une ogive & une partie surabondante que n'a l'autre porte, entre elle & et la grande tour.
Impression générale : Énormément surchargée, fouillée, étourdissante de petits détails, de statues, etc

Flèche de fonte : presque adorée. 190 pieds de haut, seule. Sommet à 445 pieds du sol. - Poids 600 mille kilogrammes. - Explication du tout avec un architecte & son fils. - L'ancienne, plomb & bois, pesait davantage. Brûlée 7bre 1822.
Entrée par la Rue de l'Archevêché : Cour, précédée d'un portail très-beau à deux arches plein cintre, avec deux étages de galerie gothique à jour. - Droite de la cour, la théologie, 6 arcades cintre surbaissé, avec ornements gothiques. - Portail : Deux petites ailes gothiques, avec statues renaissance - Porte grande ogive, divisée en deux. Tympan, paradis & purgatoire & enfer - 3 rangs de bienheureux. Deux étages /13 v°/ de galeries à jour, sur galerie une très-belle rose inscrite dans une immense arcade plein cintre, large comme la porte et sa triple enveloppe -
Deux tours assez basses, deux clochetons, à ogives aiguës flanquent cette porte, avec saillants intérieurs.
- Tout le bas du portail est couvert de 130 cadres en relief de cette forme [croquis04] , 5 sur chacune des 2 faces de piédestal de 10 statues et 30 qui grimpent le long de la grande nervure extérieure du portail (3 statues sont en dedans, 3 en dehors de celle-ci) - Excessivement anciens. Chaque cadre est inscrit dans un carré [croquis05] et dans chaque centre du carré et la figure rampent des animaux fabuleux, dont les têtes et le corps de serpent remplissent les angles. Dans l'écusson, figures satiriques, fantastiques, railleuses ; hommes et femmes à têtes d'animaux, d'oiseaux, de singes, d'ânes, de veaux à jambes de lion par devant ou par derrière. Moines à têtes de veaux. Sanglier fouettant d'un knout un postérieur d'âne. Une coquette et son miroir le ventre nu, une femme fouettant un lion qui lui relève le jupon. - Sphinx, centaures, un musicien à tête tournée vers le dos, soufflant dans une flûte, pour dénicher / 14/ 2 nids d'oiseaux, un train de centaure et un pied humain.- Des êtres en contorsions de damnés ; des oiseaux à tête humaine - Un Hercule avec la peau de lion qui lui fait marmottine, attaqué par un vrai lion, un pape une barre de fer à travers le corps, avec calme - Un buste d'homme, supporté avec 4 jambes de cochon dont il a la tête, joue du violon. - Un homme serre un petit ours dans ses bras de l'air de l'enfant prodigue - Deux personnages, l'un assis, l'autre le cul en l'air, fort symétriquement. - Un petit singe qui a une chaîne de barbet au cou, reçoit la bastonnade parce qu'il la porte dans ses mains . - L'histoire d'Adam & d'Ève & du fruit défendu, de la nudité - Un malheureux noir, la main sur le ventre, faisant des contorsions de colique - Une femme assise, agitant un mouchoir de la main gauche, & posant la droite sur la tête d'un veau qui s'élance sur elle amoureusement ( ?) Minotaure ( ?) - Adam et Ève chassés par l'archange - Dieu leur apporte une chemise -

St Patrice rebâtie au 16e siècle. - Manque la branche supérieure de la croix. Vitraux - (Jean Cousin) l'Annonciation et la Naissance de J.C., grands sujets, /14 v°/ perspective rare dans les verrières - Autres, Passion de Jésus Christ, Histoire de Job, la Femme adultère - Les vitraux sont aux deux transepts et au tronçon d'abside. Belle chaire, octogone, avec figures d'or sur les faces. 

Maison de Fontenelle, c. à d. où il est né, neuve, Rue des Bons Enfants 92-94.

Églises détruites St Georges (carrossier), St André (marchand de vin).

         St Laurent assez grande, magnifique tour (sans clocher pointu) bourrée d'industrie.

 St Godard (ancienne cathédrale) (INTÉRIEUR) Forme de basilique romane - Carré, avec son hémicycle de colonnettes & une demi-rotonde pour loger le maître hôtel - Deux légères et simples colonnades ogivales (piliers de murailles nus) courent parallèlement aux murs extérieurs, en vrais murs de refend, de même hauteur qu'eux, & sur ces 4 murs se recourbent trois toits ogivaux de bois. - 8 arcades aux 4 murs - Mais celles de l'extérieur sont plus étroites, & ne partent que de 10 pieds du /15/ sol. - Grandes ogives vitraillées, au fond des deux nefs latérales. - Aux 16 autres fenêtres, la partie vitrée s'arrête à la naissance des ogives qui sont pleines mais avec moulures.

        EXTÉRIEUR, Tour basse, quadrangulaire, pierre de taille, avec des contreforts, quelques cannelures & un seul rang de fenêtres en haut - Place aux angles & vers une porte latérale pour quelques statues.

        Hôtel de ville. Avance composée de 3 arcades, supportant 4 colonnes, & un fronton - Corps de logis à droite et à gauche de 5 fenêtres, & deux ailes.
- Escaliers étonnants de suspension : L'un tournant carrément, énorme. L'autre à double rampe, sans soutien.
        Bibliothèque publique (dans d'Hôtel de ville) - 36,000 volumes + acquisition de 15,000 = 51,000 -
1°/ Graduel de Daniel d'Eaubonne, a 2 siècles seulement. Reliure magnifique, aux lys de France, aux reliefs de cuivre. Pèse 63 livres. -

Vignettes pour les fêtes

Naissance

amarante

Annonciation

Adoration

blanc bleu

Assomption

/15 v°/

Ascension

vert

Pentecôte

rouge

Jugement

violet

(presque tout imité de Michelange) etc., etc

Lettres superbes, or épais, paysages, ornementation assez bien entendue - Dessin médiocre -
Pour les chants de l'Abbaye St Ouen.
        Dimension Un mètre de long environ
        Nature : Beau parchemin.
Daniel a employé 23 ou 33 ans à ce long travail.
        2°/ Missel du XIe siècle, anglais, apporté à Jumièges par un archevêque de Cantorbéry.
Vignettes abominables, mais curieuses.

        Saint-Ouen. EXTÉRIEUR
I. FAÇADE ; à peine ébauchée. La porte très petite & la rose fort belle au-dessus, jusqu'à la galerie transversale, voilà pour le corps. - Les deux tours ne sont sorties de terre que jusqu'au-dessous de la rose.
II. Parties latérales, rien de saillant. Assez jolis clochetons sur les contreforts, & deux hauts flanquant les transepts.
/16/ III. Clocher dressé sur le chœur. Fort beau. Deux étages quadrangulaires soutiennent une partie octogone, et l'entourent de 4 beaux clochetons aux œufs, à sommet arrondi & couvert de piquants. - De grossiers arc-boutants, cintrés et ornés joignent les 4 clochetons à la partie centrale, & s'harmonisent avec ses ogives élancées & finement découpées. - La tour est surmontée d'une vraie couronne, à huit pans aussi, dont 17 clochetons grillés figurant de hardis fleurons.
IV. Abside belle et ornée de clochetons et contreforts.
        Musée d'antiquités. 1°/ Vitraux du XIIIe siècle, du 15e & 16e - Remarquer la Résurrection en grisaille rosâtre. Dessin supérieur. - 2°/ Menuiseries d'Henri II - 3°/ poteries, instruments de bronze, fragments d'inscriptions et de statues romaines (Lillebonne) 4°/ Surtout sculpture : St Jean Baptiste, arrachant des victimes au diable, XIVe siècle - Résurrection, maigreur effroyable, hommes sans organes virils, femmes voilées, membres à coup de hache, et à angles aigus (femme assez bien de pose).
/16 v°/ 5°/ Châsse plaquée d'or, d'argent et de pierres.
6°/ Moulage des bas-reliefs Bourgtheroulde.

        La Madeleine, seule église Renaissance - Façade architecture corinthienne, intérieur croix latine.
        St Nicaise (Fermée). Extérieur. Façade insignifiante, nue, pauvre, à pignon aigu et 3 portes - Sur le côté, arcs-boutants un peu ornés et postérieurs -

        St Vivien INTÉRIEUR. - Trois nefs parallèles dans un parallélogramme peu régulier. Trois toits en bois, ogivaux, au dessus ; celui du milieu plus élevé. - Grande nef ; grandes ogives à un bout ; en face un maître autel renaissance d'assez [bel] effet. 2 groupes de 3 colonnes corinthiennes à chapeaux dorés soutiennent un entablement qui se cintre à l'avant, ménage entre lui et la muraille un espace elliptique, par lequel la lumière d'une fenêtre tombe sur un groupe, d'un ange apportant une coupe à St Vivien étendu au centre.
- L'entablement porte un hémicycle de pierre blanche, représentant le ciel, des têtes /17/ de chérubins pavant l'étendue & au centre en jaune vif, se détache un cercle lumineux, où est inscrit le triangle mystique. - À droite et à gauche du ciel, piétés sur les deux groupes de colonnes sont 4 anges de grande dimension à dalmatiques dorées.
Neuf arcades ogivales, soutenues par des colonnes à chapiteaux (de houx ?), et portant une galerie de poutres pressées, à petit châssis de plomb, divisent les 3 nefs.
Les nefs latérales ne se ressemblent pas. L'une, celle de droite, a une hernie en dehors pour une chapelle à vitraux peints ; l'autre a une hernie en dedans pour un vestibule d'entrée.
- Chacun a son autel au fond, doré et rafistolé.

        EXTÉRIEUR . Façade dégoûtante, toute verruée de constructions en bois et en lattes qui s'attachent à la muraille comme des ulcères. Du reste 3 pignons aigus, où s'inscrivent de grandes ogives à meneaux flamboyants
/17 v°/ Les deux Maisons de P. Corneille Rue de la Pie, près le Vieux-Marché. Propriétaire LeFoyer a fait mettre le buste et l'inscription à ses frais. Né le 6 Juin 1606 . - de Fontenelle, rue des Bons-Enfants, N° 13-134 - Baraque à un étage de bois & de brique, façade aujourd'hui de pierre. Né 4 Février 1657.
Rouen est encore la patrie de Dulong, Boïeldieu : et au théâtre Forqueret , suppléant de Dupré & Bocage à l'Odéon sont Rouennais.

         St Gervais. Sur une éminence verte, soleil gai. M'a rappelé involontairement une église de Rome ou l'on arrive aussi par ascension (oublié son nom) . - Construite sur une chapelle du 2e ou 3e siècle qui fait maintenant crypte au-dessous. Forme intéressante : Une seule voûte plein-cintre, en pierres de taille, de 12 pieds de haut approximativement, divisée en deux parties inégales, par une avancée du mur supportant une arcade transversale plus petite, forme la nef des fidèles & le chœur. Après le chœur un petit hémicycle, au /18/ pied duquel est l'autel, avec statue de la vierge. Au-dessous de l'autel, s'allonge un soupirail d'où vient toute la lumière - La nef a des deux côtés des bancs de pierre pour 16 à 20 fidèles au plus. -
La porte donnait sur une voie romaine du même niveau qui va jusqu'à Mont-aux- Malades, à ½ lieue. - Le tout est enterré de 12 à 15 pieds environ.
L'Église supérieure est très simple , 3 nefs parallèles dans un parallélogramme, séparées par deux rangées d'arcades plein cintre très larges ; les voûtes de pierre ; celle du centre en ogive presque plein cintre. Vitraux coloriés. - EXTÉRIEUR. Parallélépipède, avec toit incliné, nu, simple, austère, petit clocher. Tout à fait nos églises de village.

        Cathédrale
INTÉRIEUR. - Plan : Croix latine, style gothique ..…siècle. Une nef latérale tourne toute l'église, même les transepts, plus des bas-côtés avec fenêtres. Cinq petites chapelles sont attachées autour de la nef d'abside : 2 se couchent parallèlement à l'abside & débouchent dans les transepts, 1 est dans le prolongement de l'axe de /18 v°/ l'église (là sont 3 tombeaux remarquables) ; les 2 dernières demi-circulaires, sont intermédiaires, et rayonnent à gauche et à droite (N.B. Celle de droite est séparée du vaisseau par un portail gothique assez remarquable, la petite porte est placée sur la droite.
Un vilain jubé, à lignes droites, 4 colonnes & un entablement, hache de sa ligne discordante la nef d'abside qu'il sépare du reste.

        Coupe. Nef d'abside : 15 arcades tournantes (l'ogive se reforme au contour ; 7 de chaque côté, 1 au centre). Soutenues par des colonnes élevées à chapiteaux circulaires avec des palmes pour ornements : 50 pieds de haut ( ? ), portant une galerie de colonnettes & d'arcades toutes parallèles, (7 par grande ogive du bas), au-dessus desquelles règnent de larges fenêtres, ogive aplatie (divisée en 4 compartiments), presque le cintre, peu élancées de jambes. - Des filets appuyés sur les chapiteaux séparent les galeries, les fenêtres, et vont nerver la voûte.
        Transepts Même style, 3 arcades. Aux deux bouts, grandes roses, posant sur une galerie aussi /19/ vitraillée, le tout inscrit dans une grande arcade plein cintre [voir EXTÉRIEUR, portail de la Cathédrale].
- Deux portes en menuiserie, & au-dessus, décorations en triangle. - Transept de gauche, à gauche de sa porte, un escalier à jour à 4 rampes, très-beau - Va aux galeries.
        Grande nef, 10 arcades à piliers. Les faisceaux de colonnettes partent du bas et jaillissent jusqu'à leur point de division près des voûtes - Deux rangs d'arcades superposées remplacent la rangée unique de l'abside, & n'atteignent qu'à la même hauteur. - Disposition peu heureuse, le second rang est renfoncé dans le premier, & comme sans jambes. - Mêmes fenêtres, mais les galeries sont d'autre style, plus grêles, au nombre de 8, divisées de 2 en 2 & de 4 en 4 par de plus grosses colonnettes, & avec garde-fou d'araignée.
        NB. Les 5 arcades premières ont à leur place des ogives tout écrasées, avec lourds garde-fous épais ogivaux.
Grande rose au-dessus de l'orgue.
Les piliers de la grande nef, portent du côté de la nef latérale, des encorbellements triangulaires à la hauteur de la seconde rangée d'arcades soutenues par huit colonnettes dégagées ; assez disgracieux.
/19 v°/ Ornements . Plusieurs vitraux anciens, d'autres modernes, don. - TOMBEAUX . - Du sénéchal de Brézé, marbre noir et blanc. - Une base avec inscription porte une statue équestre, inscrite dans une voûte noire plein cintre, qui supporte un cadre de pierre avec statue. - À droite et à gauche, avenues soutenues en bas par deux colonnes noires, au dedans desquelles 2 statues ; en haut par deux cariatides disproportionnées - Somme laid, et disproportionné - À côté un petit tombeau gothique, arcade, avec clochetons & dentelles.
        Du cardinal d'Amboise. Très large, riche de dorures & de sculptures. Chargé comme le gothique sans avoir d'ogives. - Sur un socle noir deux personnages à genoux dans le même sens à gauche. Le socle pose sur un massif creusé de 6 niches où sont autant de statues séparées par de riches pilastres à modillons sculptés ; les statues des niches sont les 6 vertus cardinales : sur les pilastres sont des moines à genoux. - La paroi à droite des personnages, toute dorée, est formée de 8 pilastres avec leurs piédestaux. Entre les piédestaux sont une série d'écussons. Entre les pilastres encore 6 statuettes. L'être affreux du milieu, le combat de St Michel /20/ contre le dragon. - La paroi se recourbe en voûte à l'avant, avec 3 pendentifs & un entablement à niches où sont assises 6 statues, ainsi qu'aux pilastres. Au-dessus de tout cela se dressent des ornements en pyramide. - À droite & à gauche du monument, deux bandes ( ?) obliquement placées, de même style, s'appliquant aux piliers de l'église achèvent l'édifice.
        Le fond de cette chapelle (derrière le maître autel) est occupé par un magnifique et gigantesque autel tout doré qui va jusqu'au plafond. 4 colonnes avec grappes encadrent un fort beau tableau (la mort de quelqu´un avec des anges). À droite et à gauche deux autres colonnes, & des statues entre deux. Le tout porte un entablement sur lequel se dresse une sorte de chapelle avec la Vierge & des anges prosternés ; deux statues d'or terminent aussi les colonnes extérieures.

        St Maclou . (EXTÉRIEUR) - Façade. 5 figurées, 3 seules servant. Le portail fait saillie ; il est polygonal, les 4 portes latérales sont obliques, celle du centre est en avant & parallèle à la muraille. Elle a poussé le portail, et les autres sont restées de biais. [croquis06]
/20 v°/
Les trois portes de la muraille du fond sont sur la même ligne, par conséquent coupent la direction des portes latérales du portail. - Chaque porte ogivale surmontée de son grand triangle avec l'ove dedans & les 5 triangles raccordés par des galeries peu découpées & assez nues. - Derrière s'élève le corps d'église. Une grande rose, son triangle, 2 clochetons, reliés aux angles de l'édifice par de longs contreforts angulaires, qui dessinent la pyramide.
Portes de bois, sculptées par Jean Goujon, pleines de relief & de mouvement : - Grand médaillon, représentant une bergerie, renfermée dans un cadre, que supportent 8 figures, 4 en haut relief, 4 en bas relief entre deux.

        INTÉRIEUR. Croix latine. - Grande nef 3 arcades à piliers sans chapitaux, portant galerie à arcades petites-dans-grandes & garde fous sculptés ; au dessus, longues ogives vitrées.
        Transept, les roses à vitraux et galerie évidée au-dessous.
        Chœur, au sommet, au lieu du plafond, trou noir plongeant dans une tour tronquée.
        /21/ Abside. Grand soleil avec nuages (écrivait dans [l'] air en architecte). Les piliers bordés du côté intérieur.
Autour de la nef principale, une nef latérale (qui ne tourne pas le transept) & des chapelles à côté.
        NB. Un remarquable escalier tournant à jour, à la gauche de l'orgue, montant aux galeries, d'un travail fin, riche & gracieux, à 3 spires - Sous l'orgue, un autel.

        (EXTÉRIEUR) Portail latéral, avec sa rose, & les deux tours de flanc - La flèche de St Maclou incendiée, voir le modèle de l'église au Musée d'Antiquités en pâte de papier : - La porte latérale de bois J. Goujon. Double médaillon. Division faite par une statue portée sur une colonne entourée de lierre.

        St Ouen (INTÉRIEUR) Croix latine . Gothique ; noircie, imposante ; surtout à la lumière ; air de pluie. - De hautes et sévères ogives à piliers, avec quelques encorbellements à 2 hauteurs, nues, macérées, cénobitiques, les quelques filets rigoureusement nécessaires, soutiennent une haute galerie vitrée, qui se rattachent par leurs meneaux entrelacés, aux grandes fenêtres ogivales, (à 5 compartiments) qui joignent la voûte. /21 v°/ De bas côtés sans chapelles et à grandes fenêtres courent le long des nefs & des transepts. Ils prennent des chapelles autour de l'abside, à chaque arcade.

Grande nef 10 arcades.
Transept 2 arcades Roses et galeries aérées. -
Vestibule         Celui de gauche se prolonge en vestibule.
Nef d'abside 5 de côté, 1, impaire à la tête de la courbe. - Une serrurerie magnifique, relie les piliers de l'intérieur du sanctuaire & sépare celui-ci de la basse nef circulaire.
Roses, deux belles au transept. 1 Magnifique à la façade : toutes inscrites dans des arcades ogivales. - Il n'y a en verre blanc que les galeries.

St Ouen est resté grisâtre ; la Cathédrale est jaunie de badigeon. Elles sont à vue d'œil de même vaisseau à peu près.
Aux encoignures de la croix, de petites chapelles.

        Cathédrale (Portail sur la Place Calade) Symétrique à celui-ci, sur l'autre côté, autre bout de transept, mais plus dégagé et mieux terminé. Entre les contreforts des clochetons, placés sur la couture de la porte à ses tours, grimpent des statues, des triangles, des oves, etc. jusque sur les côtés pas visibles de face. (N. une touffe à fleurs blanches à la naissance de la voûte.)
/ 22/ Les chapeaux pointus plus intacts.
        Mêmes écussons [croquis07], mais plus de caricatures. Ce sont toutes des scènes humaines, des groupes, des familles, etc. Beaucoup plus décolorés, étant au midi, & les autres au Nord.

        Palais de Justice. - FAÇADE. Au centre une tourelle octogone engagée. Des deux côtés 4 arcades cintre-surbaissé, (1 petite contre la tourelle, 3 grandes) soutiennent un étage de fenêtres parallélogrammes à angles arrondis, & surmontées de [croquis08] qui donnent de l'élancement. Au-dessus une frise, puis une riche balustrade à jour divisent le toit incliné. - Entre les arcades partent des contreforts délicats, qui percent la frise, la balustrade, & vont élever des statues dans les airs. - De deux en deux ils sont unis par une mansarde magnifique en retrait, qui se relie à eux par des arcs sur deux hauteurs ; taillée en ogive, surmontée de triangles, de clochetons, de dentelles, elle affecte un ensemble pyramidal de goût exquis, qui se détache sur l'ardoise du toit incliné. 4 mansardes, 2 anciennes, 2 nouvelles. -
        Moulures, dentelles autour des arcades, des /22 v°/ fenêtres, des balustrades, de la tourelle à profusion et & délicieuses.
        À gauche, & perpendiculairement à cette façade est la façade beaucoup moins belle et plus récente, où est le grand perron, la salle d'attente d'où rayonnent les divers tribunaux. - Noter le plafond du Tribunal criminel, relevé en caissons dorés énormes, mais de forme disgracieuse (voyez ci-contre) la figure génératrice est le pentagone disposé en série sur des lignes obliques entr'elles & ménageant des triangles dans les espaces.
Maisons. (Rue Martainville entr'autres) pour les vieilles maisons, à 2 ou 3 étages, pignon aigu sur rue, murailles bariolées de poutres noircies & de briques couvertes de plâtre dans l[es] intervalles, fenêtres, lucarnes, gouttières à l'avenant, allées quelquefois si étroites que dans une je ne pus faire entrer mes épaules de front. Au bas, de petites & sombres boutiques, regorgeant de toute espèce d'industrie, qui grouillent, brocantent, troquent, ravaudent avec le bruit d'une fourmilière.
        Voilà la vieille ville, c'est-à-dire : encombrement des rues, surtout dans le parties du Nord et de l'Est.
Quelques unes de ces maisons sont de pierre jusqu'au premier ; & / 23/ [croquis 09] un tout petit nombre ont à ce premier des fenêtres de goût moderne - Noté 1. une à 4 fenêtres de face, 2 à plein cintre entre deux carrés longs à petit fronton au-dessus - 2. une, toute de pierre à 4 fenêtres de face, 2 à plein cintre entre deux carrés longs à petit fronton au dessus - 2. une, toute de pierre à profondes moulures encadrant toute la petite façade & séparant les fenêtres 2 à 2. Les moulures figuraient pilastres ingénieusement par une simple saillie aux coins (voir ci-contre) [croquis10]

        Vues : 1°/ Du Pont-Suspendu (par 4 hautes & grêles colonnes, reliées par des arcades aériennes, de mauvais goût), la Seine large, entre deux quais considérables, couverte de goélettes, de bricks, d'allège (ou bateaux de hâlage) et d'un ou deux trois-mâts. Le port est de 8 à 180 tonneaux. - Coup d'œil plein de pittoresque, et d'originalité.
        2°/ Mont Ste Catherine, à ¼ de lieue de la ville. Vue admirable. À pic du côté de Rouen. Sorte de carrière. Fait un effet pittoresque & varie les lignes du paysage. Monté par le vallon de ……….. où passe la route haute de Paris. - De son sommet, près d'un télégraphe de commerce abandonné, vue immense : (Face à la Seine), Plaine de Sotteville rayée par le rail-way de Rouen à Paris. À nos pieds la Seine blanchâtre couleur revers de feuille d'olivier /23 v°/ chargée d' îles, bordée d'usines aux longues cheminées rouges. Même côté, bourgs de Sotteville et de St Sever (le faubourg de Rouen) : horizon plat et lointain, la Seine se recourbe sur la droite. -
 Tournons-nous vers Rouen, au-dessous de nous. Il étend sa fourmilière & s'allonge dans la direction de toutes les routes, d'Amiens, de Paris, du Havre, etc. comme une araignée & ses bras. Le sol se relève en un coteau vert (Mont aux Malades) arrondi, qui se courbe derrière Rouen, et se prolonge derrière Ste Catherine en ménageant la vallée de St Hilaire à Darnetal où coule Robec (rivière des teinturiers).
        Rêvé là-haut. - Quelle différence entre une ville et une fourmilière ? Une seule peut-être : les immenses élans de pierre, ces 3 églises qui font tournoyer au dessus des prosaïques & mesquines tracasseries, une pensée différente. - Supposez-vous géant de 200 toises seulement et poussez du pied cette fourmilière pour voir l'intérieur des fourmis. Étudiez cette société microscopique.
        Conseil. Ne prendre de graves résolutions que sur les hauteurs. Elles agrandissent tou- /24/ jours le point de vue. - Si 2000 pieds le changent tellement, que sera-ce vu du ciel ! - Pascal parle de vérités à la droite d'un fleuve qui sont mensonges au-delà. La différence produite par l'espace n'est rien auprès de celle produite par la hauteur ….. (les deux lignes réunies formant la croix contiendraient-elle encore ce mystère ?).
        Pourquoi sont faits ces entassements de maisons ? Pour associer des forces, des hommes, qui veulent se développer avec toute leur puissance & se divisent le travail… pour former l'état social, avec ses cinq éléments (Segrétais) , Religion, Art, Politique, Philosophie, Industrie. - Il y a deux routes ; 1/ observer l'univers pour se mettre à l'unisson, pour se réunir à la nature ; 2/ partir d'un instinct personnel & dompter la nature, brûler ses fruits, troubler son cours, tuer ses animaux, fendre ses montagnes, déchirer ses flancs, la courber et l'asservir. - La 1ère route, c'est la contemplation, la fatalité, le panthéisme ; la 2de c'est l'action, l'indépendance, le Dieu personnel & actif.
/ 24 v°/ Rouen, patrie outre Corneille & Fontenelle, de Boïeldieu & Dulong. - Deux Casernes -



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LE HÂVRE - TABLE DES ETAPES

De ROUEN au HAVRE Vendredi 23 Juin.

        Descendu en bateau à vapeur. Beaucoup meilleur que celui de Paris ; 1ères places à l'arrière, l'autre à l'avant.- Tous deux ont servi pour leur part au transport des cendres de Napoléon, Décembre 1840 -
        (Compagnons) Antonin Roux, et par grande surprise Alfred Escher, zurichois et président central, qui vient de passer 6 mois à Paris, mais qui a trop besoin de travail vigoureux pour y rester plus longtemps. Il est docteur en droit : Thèse, les témoins du temps de Cicéron, travailla de 4 du matin à 8 du soir, sauf deux heures & ½ pour le repas, le cheval & bain, pendant plusieurs mois ! Son père a demeuré 25 ans à Paris, et y a beaucoup d'amis (Hottinger banquier) qui s'arrachaient Escher.
- Causé sur la philosophie - Dîné ensemble avec Roux, dîné 12 francs pour 3 beaftecks, plat de petits pois & fraises ! -
/25/ Départ de Rouen, ravissant. Ciel d'azur, rives vertes, gaies, variées, en plaines d'un côté, en coteaux de l'autre ; tout un air d'allégresse, de vie et de fraîcheur. Brise et soleil maintenaient une charmante température. - Iles avec beaux peupliers, leurs saules, & quelquefois une petite maison dedans, un cheval paissant, etc. Du reste peu nombreuses.
        En route, abbaye de Jumièges, du 6e ou 7e siècle ; comptait 2000 religieux. Avait le cœur d'Agnès Sorel & son tombeau dévasté à la Révolution. La flèche est détruite ; restent les deux tours carrées de la façade. - la Mailleraye château laid, irrégulier d'ailes et de corps, surtout du côté de la Seine, mais parc magnifiquement vert & bois entretenu. Colonne sur la place où déjeuna la duchesse de Berry ! Là vécut Mlle de Lavallière à l'âge où l'on apprend l'amour ( !)
 - Port de Caudebec, belle position. Beaucoup de bâtiments stationnaient au-dessous, dans un coude de la Seine. - À Quilleboeuf, la rivière s'élargit énormément, ou plutôt c'est déjà le golfe où elle fait son embouchure. Plus de courant, eau salée ; si peu de profon- /25 v°/ deur que nous nous ensablâmes, et dûmes attendre ½ heure la marée montante. En attendant nous dînions.

        De Quilleboeuf au Hâvre, vraie mer pour la largeur. - Couchant pur & magnifique, bande orangée fondue dans le bleu. - Entré au port pendant le crépuscule : deux phares brûlaient sur le sommet des côtes, et un feu tournant éclairait l'extrémité de la jetée.

        Resté au Hâvre 3 jours, Samedi, Dimanche, Lundi, bien malgré moi, mais toujours courant après Mons. Edouard Monod, pour qui j'avais une lettre de Paris (de Gust. Monod, médecin , son frère ; genevois) rue Dauphine son bureau, à Ingouville son habitation. Manqué à l'un, manqué à l'autre ; à la 5e fois trouvé enfin. Me gardera ma malle, sac de nuit, & carton de chapeau. Emporté seulement mon havresac pour une tournée en Basse-Normandie à la recherche des bains. - Ceux de Frascati, grand genre, bals, feux d'artifice, table d'hôte à 3.50, des murailles et un terrasse sur une grève, ne m'ont pas attiré du tout. J'ai visité. /26/ Le bain (sans linge) est de 50 centimes, ou 10 francs les 25 cachets. Petites cabines de toile.

        Le Hâvre. Entrée du port étroite, au-dessous de la grande jetée de l'ouest à l'est, où la société de tout genre vient voir passer les navires, les remorqueurs à vapeur, les chaloupes : vue animée ; au fond le golfe de la Seine, Honfleur, les côtes du Calvados disparaissant sous l'horizon ; à droite flotte à l'ancre attendant le vent (j'ai compté 70 navires). - Cinq bassins s'entrecoupant à angle droit forment le port : Bassins du Roi (du Rouet, comme on dit au Hâvre), de l'Ile, de la Barre, du Veaumarin, & Vauban. Séparés par des écluses pour fermer sur la marée descendante & conserver l'eau à volonté. Dans celui du Roi, le reflux laisse à sec le fond : spectacle curieux, les vaisseaux debout dans la vase. -

Marée de 14 pieds en moyenne, 11 pieds à 18 pieds [de] variation au Havre.
Pour les heures :


Jour de la nouvelle lune

Grandes eaux

- 9h

Basses eaux

- 3 h.

Jour de la pleine lune :

Grandes eaux

- 3.

Basses eaux

- 9.

/26 v°/ Chaque jour intermédiaire, retarde de ¾ d'heure [Cela ferait 12 x ¾ ou 9 heures de différence en 12 jours tandis qu'il n'y en a que 6 : Ce sont les chiffres qu'on m'a dit sur le port].
        Les plus grandes marées sont aux lunes de Mars. Arrivent quelquefois à 20 pieds.
        Annonces: À la jetée est au mesureur. À un mât, il suspend 1 grosse boule noire de toile goudronnée pour 11 pieds de marée, - 2 boules pour 12, ainsi de suite : une flamme au sommet indique les demies. - Près des phares est un second signal, qui copie le premier, & du haut de la côte transmet en mer la hauteur des eaux dans le port.
        Coiffures curieuses: Grande tenue des femmes des environs. Immense coiffure, en forme d'éventail cintré à l'avant, & du bord s'échappant une longue bande flottante, le tout blanc. Beaucoup trop grand, disproportionné.
        Promenade (avec Escher & Ant. Roux) :
        Côteau d'Ingouville, vue magnifique ; répétition /27/ très agrandie de celle de la jetée (nous sommes trois à quatre cents pieds plus haut). - Là sont les riches maisons de campagne. - Deux chaumières cachées par des enclos de feuillage, & des jardinets fleuris : on y donne à manger, & il y a du lait chaud. - Traversant une déchirure ou petit vallon, nous remontâmes aux Phares : dix réflecteurs, sur deux rangs, argentés, mais fixes, éclairés à l'huile ; sont peu remarquables. Même vue.- Auprès est la vigie d'où l'on signale les vaisseaux avec leur port, leur pavillon & leur nom même. Des bateaux pilotes partent aussitôt.
- La côte est une falaise de terre caillouteuse, presque à pic ; minée journellement par la mer lors des tempêtes.
        Curiosités : 1°/ Notre Dame cathédrale : façade Renaissance. Colonnes engagées, mêlées d'assises circulaires & carrées : 3 portes, basses, avec des ……. en bas-relief au-dessus. Le clocher court, sur la droite, pas de pendant à gauche. Entourée d'une balustrade avec palons [G.L.XIXe ; Litt. ; Dict. d'architecture religieuse]
- 2°/ St François ; façade de l'année 1849. /27 v°/ Sur les côtés, des fenêtres à dessus ogivaux plus anciennes. - 3°/ place de la Bourse , le beau quartier, place des cafés d'élite, des spéculations, carrés de verdure & bancs, au bout d'un des bassins. En face est le Théâtre incendié l'année passée ; grand, isolé, bien supérieur à celui de Rouen : les 4 parois sont debout, tout l'intérieur est vide, par les fenêtres de l'horloge, sortaient des flammes qui ont tracé leur passage. Une mère & sa fille y ont péri. - 4°/ Manufacture de tabac; seulement deux sortes en poudre & à presser : 500,000 kilog. de chacune par an. Odeur asphyxiante. - 5°/ Paquebots américains ; visité le Taglioni de Boston, de 1000 à 1100 tonneaux, à voile, 3 mâts, place pour 6o lits de passagers. Superbe navire. - 6°/ Machine hydraulique de Graville - 7°/ Essayé en vain de visiter le Napoléon, bateau à vapeur nouveau, pas de roues, à la place une hélice, près du gouvernail, de 5 pieds de long, 3 de large, à 3 pas de vis /28/ seulement, enfoncée dans la carène, & ne faisant pas de saillie. Son axe entre dans 2 étambots. Ce simple moteur lui fera filer 10 nœuds à l'heure. Servira de Poste. N'est pas achevé. Vraie magie ; ira comme par mouvement volontaire, puisqu'on ne voit rien. Tire 11 pieds d'eau à l'arrière, quatre ou cinq de moins à l'avant. Trois mâts, cheminée large et courte ; qui brûlera la voile voisine.
        Le Tage, le Sphinx énormes vaisseaux à vapeur pour Londres ou Southampton. - Le port (selon un marinier) pourrait contenir jusqu'à 400 ou 600 navires.
[Écrit à Laure*, jusqu'à 1 heure du matin]
        & à David, avec le paquet de Didier.

_____________

Mardi 26 Juin 1843

        Sept heure du matin parti par vapeur pour Honfleur. - (Escher était parti Dimanche déjà pour Dieppe, Eu, Abbeville, Amiens, Metz, Strasbourg, Bâle & Zurich - Garçon plein d'ardeur, mais peu rêveur, positif, voulant être spécial, et ne s'intéressant à rien autour du droit, de peur de diminuer sa capacité de jurisconsulte. Parce qu'il a vu Paris, ne daignant pas regarder le reste.
/28 v°/ Honfleur. Port tranquille. Eglise : Ste Catherine à deux nefs parallèles, donc pas de centre : l'orgue et l'autel sont dans celle de gauche. Construite en bois, revernie, voûtée ogive. Façade de pierre moderne ; intérieur du 5e siècle. (Manqué les deux tableaux de Quellyn et Jordaens, élèves de Rubens) - 2°/ St Léonard, portrait du XIIe siècle ; parallélogramme supportant un triangle à sommet tronqué horizontalement par la base de la tour octogone de bon goût (mais plus moderne & de style différent) qui s'élève au milieu. Trois portes, les deux de côté fort étranglées, serrées dans une ogive dont le haut fait fenêtre et le bas porte. Chaque porte flanquée de contreforts ; en outre deux aux angles. Les deux de la porte centrale, montent jusqu'au sommet, à la base de la tour, et contiennent le cadran de l'horloge. - Les deux côtés montants, prolongés, formeraient avec la corniche qui termine le parallélogramme, un triangle équilatéral. - Galerie au-dessus de la porte centrale - En tout, sobriété d'ornements, mais pleine de charme. /29/ 3°/ Côte de Grâce : une promenade ombragée & rapide mène au sommet de la côte, où se trouve la Chapelle pleine d'ex-voto. En avant, esplanade d'arbres, avec un crucifix ; vue très étendue, sur la mer & les côtes de Normandie. - Chapelle, basse, forme de croix grecque, voûtée en ogive, des autels colonnes tous aux trois bouts (la porte au 4e) ; de mauvaises statues de bois verni dans des niches tout le tour. De petits vaisseaux suspendus à la voûte, des tableaux de coups de vent sur les parois, le plus vieux de 1754. On officiait : femmes de marin ; coiffure de deuil, sorte de haute toque de soie noire, énorme ; deux bandes volumineuses, détachées du sommet, se nouent à leur extrémité & couvrent les épaules.
        Costume ordinaire des femmes : des bonnets de coton à mèche, comme nos boulangers ou mitrons. Avec les cheveux des tempes recoquillés. Quelquefois petits minois agaçants.
        Malgré temps nébuleux, parti à pied par la côte pour Trouville (3 heures). - Paysage : Sur la hauteur, chemin boisé, puis bruyère. /29 v°/ Descente rapide, et tout le reste du chemin par le bas ; chemin délicieusement ombragé. Villerville [orth. d'Amiel :Vierville] , Hennequeville [orth. d'Amiel : Henkeville]. Reçu ¾ d'heure de pluie pour faire servir mon beau parapluie de Rouen. -
        Rencontres : deux pauvres diables, un homme et sa femme, qui vivent en vendant du plantain. Couchent dans les villes pour 3 sous, dans les campagnes pour rien ; n'ont que les habits qu'on leur donne, et vivent avec dix sous par jour. Mêmes habits, hiver et été ; pas de feu en hiver ; jamais de viande, vivent de salade, de soupe, de légumes, quelquefois d'un œuf ou deux. L'hôpital leur paie le passage (bateau de transport du Hâvre à Honfleur), & leur ouvre des salles chaudes en hiver. Quand le plantain est passé (ils doivent presque le cueillir en maraude), ils vendent du cirage dans le pays de Caux, ne connaissant pas les routes ailleurs. Avec ça, honnêtes, reconnaissants, ne voulant pas frayer avec les mauvaises gens, & nourrissant la vieille mère.- Une tournure effroyable. /30/ D'autres gens viennent de découvrir leur niche ; ils craignent de perdre leur gagne-pain. - Une charge complète leur vaut, vendue, cinq francs ; ils vivent dix jours à vendre cela et puis retournent. - Un homme qui allait à Hennequeville, que j'ai abrité sous mon parapluie par des torrents.

 



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TROUVILLE - TABLE DES ETAPES  

        Trouville. De la hauteur où je la vis, me parut dans une position charmante. Un amphithéâtre verdoyant, semé de champs & de bouquets de bois, au fond duquel coule la Touque, tel est mon entourage. Plus loin, je voyais naître une nouvelle courbe, qui descendait vers la mer, & le soleil qui reparut me colora tout ce beau paysage tandis que l'océan à droite encadrait les lignes gracieuses & variées, de la grandeur inflexible de sa plaine bleue.
        Presque tout de maisons neuves. C'est un village qui se forme pour ainsi dire comme aux Etats-Unis : d'année en année il ne se reconnaît plus. À côté des chaumières se trouve déjà pharmacien et magasin de nouveautés. La partie vieille est surtout vers la rivière ; /30 v°/ la nouvelle s'allonge sur la plage. Très-peu de baigneurs encore. En 1842, au mois d'août, il y en avait 1500. On prépare tout pour en recevoir davantage. Deux ou 3 maisons sont en pleine préparation.

Prix : Hôtel du Roy, 5 francs par jour
Hôtel de la Plage 2 francs la chambre seule.
Hôtel À la Providence (sans vue) 1 fr. la chambre ; 3 francs par jour.
Couru tout ce qu'il y a à louer : les autres endroits sont plus chers.

        Pris un bain de mer à 9 heurs du soir ; par un couchant rouge entre des nuages. Causé avec un Irlandais et ses enfants. - La plage de sable, magnifique, douce, toute à un seul propriétaire, 600 mètres. Il fait une maison où seront des chambres à 1 franc par jour.
        Salle de bal.

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Mercredi 28 juin.

        Journée de 11 heures de marche, par des chemins ou de terre ou de sable, terminé par une demie-lieue pavée. Pluie au beau milieu, /31/ traversée de prairies trempées , pour éviter des chemins argileux tout creusés & abîmés. Bref, aujourd'hui, Jeudi, en me levant je suis encore éreinté.
        Après 6 heures de sommeil, parti sur mes jambes, par les grèves, après le bac ; jusqu'à Villers deux heures ; moitié par la hauteur ; rencontré des chevaux, des femmes à bonnet pointu de coton, visité l'église solitaire de Bénerville (je crois), au sommet d'une côte élevée, était fermée ; du reste nue, grise, rongée par les vents de mer. Entre Villiers et Dives commencent les falaises, non de roc, mais d'argile ; passé une tuilerie ; le sentier grimpe le bord de la falaise, éboulée et fendue ; la mer jaune, furieuse battait au pied de ces remparts minés, & je mesurais de l'œil la chute, si l'argile desséchée qui me portait était tout-à-coup tombée dans les flots.
        À Villiers la commune a fait des économies, elle a mis le chemin dans le ruisseau ; et cela dure longtemps, toute la côte, tant qu'il y a un ruisseau. Après le chemin est seul.
/31 v°/ De Villiers à Dives, 21/2 heures par l'intérieur (La mer couvrait la grève, il était 8 heures). Après ce chemin-ruisseau, une longue traite de moissons, un sentier de traverse coupé par des barrières, etc. -
À Auberville, entré dans une habitation de paysans qui mangeaient la soupe : bu deux jattes de lait, & fait causer ; ½ heure de repos. Étonnement, mains jointes, de la femme, quand je lui parlai des chemins de fer. Elle disait que quoique Suisse je parlais français comme eux .
        Avant Dives, descente rapide par un sentier où il n'aurait pas fallu se tordre le pied. - Dives, petit port : baigneurs. Belle plage. Mon aubergiste donnait à vivre pour 3 francs par jour. - Pluie. Dîner. Dormi trois heures.
        De Dives à Sallenelle [orth. D'Amiel : Savenel]: suivi les côtes d'un golfe mais sans le voir ; un troupeau de dunes monstrueuses, accroupies sur le rivage, me le cachaient. /32/ À droite, plaine immense, avec des blés, du bétail paissant, quelques bouquets de bois, solitude, abandon, repos, mais non pas silence, car la voix de la mer hurlait sur la droite. Seulement pas d'hommes. - Rencontré une charrette. - Sur ces dunes jetées confusément & toutes de gros sable, à moitié fait de détritus de coquillages, c'est-à-dire ayant en elles la vie de milliards d'êtres, qui ont passé dans des siècles antérieurs, ne croissait que des mousses rases, d'un brun jaune, bigarrées de thym, avec quelques myosotis bleus & quelques cloches roses, ou le plus souvent, de longues herbes dures, minces, luisantes, flexibles, qui seules agglomèrent les sables mouvants.
        Sallenelle, port. La grève, l'eau étant basse, était de plus de ½ lieue jusqu'aux vaisseaux, tant la plage est plate. - Le sable avait absorbé la pluie. Mais après Sallenelle le sol d'argile offrait une route délayée, vaseuse, avec des ornières profondes, & pleines d'eau, où le pied portait /32 v°/ en glissant. Traversé des foins trempés pour rejoindre un sentier moins mauvais, mais bien assez, qui longe la Rivière-Neuve, canal. - Bu du lait dans une ferme ; la brave Jeanne m'en accabla : a perdu 3 fils autour de 20 ans, par chaud et froid. Je disputai l'entrée aux moutons.

        À Ranville, commence une meilleure route. Mais que de coins & d'angles de trop j'ai dû faire ! Enfin Closset [?], puis Caën, et son interminable faubourg, maison d'un étage, avec une fenêtre ou deux de face. De Dives à Caën, 6 heures de marche, de 4 1/2 du matin, 10 1/2 heures.



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CAEN -TABLE DES ETAPES

Jeudi 29 juin.

CAEN St Etienne
        INTÉRIEUR. Curieux par la réunion du plein-cintre & de l'ogive. Le plein cintre fait le motif essentiel ; la Grande nef, 8 arcades plein cintre à piliers supportant un étage tout semblable mais moins haut, faisant large galerie qui a une /33/ balustrade de pierre dont les ornements figurent des X. À la petite corniche qui surmonte le second étage, commence la voûte plein cintre nervée en pierre de taille [croquis11] incomplète. Un 3e étage de petites fenêtres, règne entre les nervures ; elles sont flanquées deux à deux d'une seule arcadette sur le côté intérieur, qui ne trouve son pendant que dans celle de la fenêtre voisine, puisque l'autre côté de la fenêtre en manque. Une colonnette unique à chaque pilier part du sol et monte jusqu'aux nervures. Les deux premiers étages sont de même profondeur. Ils ont tous deux leurs fenêtres à verres blancs [à] petits carreaux, mais au 2e étage elles sont fort petites. - Les nefs latérales sont voûtées ogivalement (Croix latine).
        Chœur. Sorte de coupole à nervures, portée par deux étages quadrangulaires, l'un de galerie à 3 arcades plein cintre, le 2d de 3 fenêtres.
        Transepts. Courts, formant 2 chapelles.
        Abside. L'ogive y domine 4 arcades. - Le 2d étage seul garde le plein-cintre, & encore chaque arcade se subdivise en deux ogives avec un trèfle dans leur écartement. Le 1er est devenu ogival ; le balustre de pierre a disparu ; à la place, des étoiles (à 6 pétales) en creux dans le mur, flanquent chaque ogive. La longue colonnette unique, devenue beaucoup plus grêle, ne part plus que du chapiteau des piliers gothiques /33 v°/ et se laisse entourer d'un anneau par la corniche du 1er étage. - Le 3e étage au lieu de 1 fenêtre en a deux, qui ont devant elles 3 arceaux légers gothiques, 1 grand 2 petits.
        Tête de l'abside, 7 arcades tournant, 1 sur l'axe, 3 de côté, ogives étranglées supportées par des colonnes, en dedans vers l'autel, recouvertes de stuc & chapiteaux dorés. - Le style change. Autres colonnes au lieu de piliers, au 1er étage - au 2d ogives au lieu de plein cintre, au 3e une seule fenêtre au lieu de 2. Conséquence de l'étranglement .- Les roses en creux disparaissent.
Porte principale, à l'intérieur surbaissée, chargée de l'orgue, au-dessous duquel 3 arcades plein cintre.

Grande nef, plein cintre

XIe

Résumé. 3 styles

Nef abside, ogive

XIIe

Tête d'abside, ogive plus aiguë

XIVe

        Sépulture de Guillaume le Conquérant. Plaque correspond au caveau. Inscription (Hic sepultus est [invictissimus] Guillelmus Conquestor, Normanniae dux, [et Angliae rex,] hujus ce domus, conditor, qui obiit anno MLXXXVII.)
/34/ Sa femme est dans l'abbaye aux Femmes ;
St Étienne est l'ancienne abbaye aux hommes.

        EXTÉRIEUR. Façade. Carré surmonté de deux tours ; carré divisé verticalement en parties inégales, une grande flanquée de deux moindres, par 4 contreforts totalement nus & lisses. Chaque partie a en bas une porte plein cintre, petite. Au-dessus deux étages de fenêtres plein-cintre sans chapiteaux ni ornements anciens ; trois dans la partie du centre, 1 dans les deux autres - Entre les deux tours, la muraille se prolonge en triangle.
        Tours des clochers. Style roman presque identique. 3 étages quadrangulaires soutiennent une grande flèche de pierre par à jour. Les 2 premiers étages sont formés d'arcades excessivement étroites, plein cintre ; 7 au premier & pleines, 5 au second, dont 2 ouvertes. - Au 3e étage, 2 grandes arcades, divisées en deux petites en retrait. Chaque étage a sa corniche.
        Flèches octogones sans jours ; avec des tuiles figurées. Une seule est du XIe. Celle de droite est du XIVe. Ne diffèrent que par la nature des clochetons, 4 grands aux angles, 4 petits aux faces, plus ornés & ogivaux dans celle de droite, plus nus & cintre de l'autre.
        Aux 2 tours, un angle (sur le côté qui /34 v°/ regarde l'église l'angle extérieur) se change en tourelle ronde d'un bel effet, qui monte aussi haut que la partie quadrangulaire & répète en saillie toutes ses lignes.
        La grande flèche qui surmonte où le chœur fut détruit par le canon anglais, un promenoir à balustre carré en fait le tour. - Deux clochetons à chaque bout du transept.
        Murs de côté sans contrefort. Suite d'arcades non interrompue, 2 figures entre les feuilles réelles.

        St Nicolas Même style que St Étienne, même temps. Maintenant fabrique de plomb. Une seule tour à droite, deux étages, bourgeon de flèche. La tourelle à l'angle intérieur, octogone au lieu de circulaire. 1er étage nu, 2d à 2 arcades plein cintre ; balustrade au-dessus. - Façade nue, avec fenêtres de prison.

        St Jean. Extérieur : La porte ogivale fait toute la largeur, flanquée de contreforts à nervures tout déviés vers la gauche & comme menaçant chute. Au-dessus monte le clocher, un peu en retrait. Une partie pleine avec arcades figurées & contreforts supporte un clocheton quadrangulaire tout rayé de nervures verticales, ménageant 8 fenêtres démesurément longues voûtées en ogive, surmontées d'une attique ornementée avec 3 gargouilles, sur laquelle tourne la balustrade du clocher. - (Les deux longues fenêtres sur chaque face sont flanquées aux angles de 2 plus étranglées encore et pleines.) - En retrait des balustres s'élève une flèche écrasée, presque équilatérale, surmontée du coq.

        INTÉRIEUR : Croix latine. Mais, chose rare, la nef d'abside plus longue que la grande nef, (4 arcades sans /35/ compter les 3 tournantes du fond, tandis que la grande nef n'en a que 3, une 4e vers l'entrée, prenant vestibule à part, séparé par une ogive transversale. - Toute de même style : Ogives élancées, piliers bas, balustres sculpté à jour [croquis12], entre deux corniches fouillées. Au-dessus les ogives vitrées [croquis13] s'encadrant dans la voûte.
        Transept arcades. - Une nef latérale et son enfoncement de chapelle tout le tour. - À l'abside vitraux de couleur. - Le maître autel élevé de 4 marches - Un ciel d'or à rayons appliqué aussi en emplâtre à la paroi de l'abside.
        Pas de rose. - Au transept, le balustre diffère, il naît en X de 8 pieds, [croquis14] et s'abaisse subitement pour laisser de plus grandes fenêtres.
        Chœur surmonté d'un dôme quadrangulaire, formé par 4 grandes ogives entourées de moulures fouillées, avec une petite fenêtre ronde en haut ; un balustre à jour règne autour.

/      /35 v°/ Abbaye aux Dames. (Appelé l'Hôpital) : sur le côté droit de l'église, deux maisons en avant et en arrière du transept, sont aux religieuses.
        EXTÉR. Même temps que l'abbaye aux Hommes. Faite pour Mathilde sa femme par Guillaume Le Conquérant. XIe siècle. Façade. Disposition analogue à celle de l'autre abbaye. Une masse carrée surmontée de deux clochers moitié moins hauts & sans flèche. La partie carrée, divisée dans sa largeur par 4 contreforts, & dans sa hauteur par 3 filets. - 3 Portes plus grandes, faisant porche un peu enfoncé, avec colonnettes engagées & 3 rangs de moulures romantiques, et une montant en zig-zag [croquis15]. Fenêtres différant en nombre et en grandeur. Plus d'art & d'ornement qu'à l'autre église : 1er étage, partie centrale, 3 plein cintre, moulures, colonnettes et zig-zag comme à la porte. Au même niveau, à droite et à gauche, au-dessus des portes latérales 1 fenêtre, plus petite, sans ornement. - 2d étage : deux fenêtres même ornement au centre & deux figurées ; coupent le filet de corniche ; partie latérale, au dessus du filet, 3 plein cintre figurées.
- Entre les deux tours, triangle de muraille, mais percé d'une fenêtre [croquis16] d'époque postérieure.
        Clochers Un étage orné de 6 arcades étranglées & pleines, supporte une haute attique, trouée dans le /36/ haut de 6 lucarnes ovales, contre lesquelles des modillons allongés montent soutenir la corniche sur laquelle pose le balustre à jours , massif, qui entoure la plateforme finale : pas de flèche.
        À l'angle extérieur du côté qui regarde l'église, les clochers ont leur renflement en tourelle ronde qui là où cesse le clocher s'élargissent & s'épatent en un lourd contrefort percé de lucarnes énormes.
        Sur le côté au lieu d'arcades égales, chaque fenêtre est flanquée de 2 arcades plus petites, pleines, et entre les groupes de trois montent des contreforts, qui s'appuient au toit que borde une ligne de modillons.
        Au-dessus de la croisée , s'élève une tour de même hauteur que les autres, postérieure, car les arcades qui l'ouvrent (3 par face) sont ogivales - Une flèche basse octogone, non de pierre, est posée sur la plateforme entourée de sa balustrade. - (Il y avait 3 flèches de pierre : détruites par le canon anglais).

        INTÉRIEUR. Beaucoup plus petit qu'à St Etienne. 6 arcades plein-cintre, avec deux pilastres à colonnes ornées de [croquis17] traits convergents alternés, soutiennent une sore de galerie pleine [croquis18] , en forme de niches rapprochées, au dessus desquelles sont les fenêtres plein cintre, flanquée des deux côtés des petites arcadettes d'ornement. Entre chaque arcade grimpe une colonne longue du sol à la voûte. Voilà la grande nef.
/36 v°/ À la nef d'abside les fenêtres s'allongent jusque sur les arcades, chassant la galerie pleine, perdant leurs arcadettes, & la remplacent par des niches intercalées. 2 arcades de côté, 5 au fond du contour. Tout plein cintre. Voûte de l'abside basse et peinte à fresque.
        Dans le transept, cylindres au lieu de colonnes ; ni base ni chapiteaux. Un seul étage de nefs latérales.
        Crypte au dessous du chœur : 24 colonnes petites rapprochées, soutiennent des voûtes multipliées. Le fond en hémicycle, autel dans lequel on cacha le tombeau de Mathilde en 93. - Inscription tumulaire dans le chœur - C'est la chapelle souterraine. Barres tout autour.
Traversé les salles de l'Hôpital (280 malades).

        St Gilles, toute voisine. - INTÉRIEUR. Encore mélange de transition ( ? XIIe ) : Nef principale, 8 arches plein cintre, de 9 à 10 pieds de haut ; voûte ronde - Le reste ogival (nef d'abside, bas-côtés, fenêtres). - Autour de la grande nef, sur les arcades, comme une petite galerie en arcadettes ogivales, pleines.
        EXTÉRIEUR. : Quoique basse, contreforts (pour chaque pilier intérieur), avec clochetons à épines, & gargouilles.

        St Pierre. EXTÉRIEUR. Pas forme de croix. Une seule tour, à droite du spectateur de la façade. - Deux styles : gothique pour le clocher et le corps de l'église. Mais l'Abside est /37/ de ligne ronde, XVe ou XVIe siècle, très-riche d'ornements, couleur bronzée ; cinq chapelles en appendice extérieur, une sur l'axe surmontée d'un étage à lunettes rondes, les 4 autres seulement au bas côté, à l'étage. Ce sont des octogones engagés, 3 faces seules sont libres. Sur chaque face une fenêtre plein cintre sans chapiteau, 8 ou dix filets concentriques, séparées par des pilastres angulaires, & dans les tympans, des ornements en relief de très bon goût. Au-dessus tourne une balustrade superbe, surmontée de clochetons de même style. La chapelle de l'axe a des pilastres ornés en candélabres, soutenant une attique où posent les lunettes rondes, & que surmontent le second balustre.
        Côtés. Celui vers la place est le plus dégradé ; les ogives n'y sont pas même toutes égales, & plusieurs ont leurs meneaux détruits. C'est pourtant le côté du clocher. - Mais voyons l'autre. Neuf ogives, à feuillage sur les bords, & surmontées d'une corniche fouillée & d'une belle balustrade, forment le bas côté. Il porte les arcs-boutants cintrés, suspendus, surmontés en bas de clochetons ornés, pointus, qui étayent les parois du corps central. Celui-ci à 9 ogives meneaux flamboyants, corniche fouillée & balustrade différente. - Les arcs-boutants partent d'autres clochetons à leur extrémité supérieure. - Après les 9 ogives, est une belle porte latérale, au-dessous de la tour qui manque, profonde, avec 5 zônes de niches à dais, montant au-dessus de l'ogive sur le balustre, puis une arche plein-cintre avec faî /37 v°/ tures, surmontée du triangle gothique, à jour, aérien.
        Façade. C'est tout ce qu'il y a de plus laid. L'irrégularité même. À droite une maison particulière oblique, poussée dans la retraite de l'édifice. À gauche une tourelle octogone jointe à l'église, & sans pendant. Au centre, une porte mesquine ogivale surmontée d'une galerie vitrée, portant la rose, inscrite dans l'arche plein cintre & flanquée de 2 contreforts qui se changent à leur bout en clochetons. La porte et la rose surmontées de leur triangle accoutumé.
        Clocher 1 seul, à droite de l'entrée. - C'est le clocher de St Jean, plus 4 clochetons sur les angles de la plateforme & une belle flèche élancée octogone, à épine sur les angles, & à lucarnes sur les faces.
L'entrée latérale sans huis fait porche ogival surmonté de 5 faîtures rapprochées, inscrites dans une muraille triangulaire fort laide. La porte est en plein cintre, inscrit dans 2 ogives romantiques.
        INTÉRIEUR. 3 styles différents - Gothique - (Une nef centrale sans transept avec une nef latérale faisant le tour.)
        a) 4 premières arcades ogives, surmontées d'un balustre simple, & d'ogives pleines sur lesquelles courent les fenêtres. - Voûtes simplement croisées - colonnettes allant du sol à la voûte.
        b) 6 arcades plus ornées : la voûte à flèches ren /38/ versées ; les longues colonnettes coupées au-dessus des chapiteaux des piliers, portant entablement de plus au-dessus du chapiteau & fournissant 7 nervures au lieu de 3. Le balustre devient beaucoup plus orné et travaillé, le niveau des fenêtres baisse un peu, & les arches pleines disparaissent. - À la 6e la fenêtre s'allonge considérablement pour séparer le dernier style.
        c) Aux 4 ogives d'abside, correspondant aux 5 chapelles renaissance si riches (voyez EXTÉRIEUR), sont réservées toutes les prodigalités de l'ornementation. - Flèche renversée devient pendentif plus grand. Les ogives plus étroites & plus élevées, couvertes de feuillures jusqu'en dessous, séparées par des clochetons pilastres pyramidaux tout à jour, découpés en dentelles ; deux étages de balustres luxuriants où s'est épuisé le luxe de ciselure, a des ornements [croquis19] en flèche qui passent par-dessus toute cette niche, étonnant l'œil & l'émerveillant.
- Dans les 5 chapelles, remarquer les voûtes, qu'on prendrait pour une grotte à stalactites, tant les pendentifs s'y pressent. Dans celle de l'axe, des bas reliefs de plâtre (histoire de Marie) & une assomption, entourée de têtes d'anges & de rayons. Niches & statues partout. Vestiges d'ornements sculpturaux détruits en partie.
        Chœur Serrurerie très-belle en elle-même (pour la séparation) mais carrée, & coupant les lignes de l'église au lieu de s'harmoniser.
        /38 v°/ Château: Murailles avec tours carrées, embrasures pour fusils seulement. - 800 fantassins dans Caen ; Église en poudrière.

        St Sauveur (fermé). Belle flèche. Chose incompréhensible que cette construction. Je l'ai tourné et retourné, par les cours voisines, les rues latérales ; tout ce que les maisons bâties contre laissent voir ; sans en être plus avancé. - Tête d'abside sur la rue, très ornée, un peu dans le genre de St Pierre ; plein cintre & gothique. (Voir pour le plan la dernière page du carnet.)

        Hospice du Bon Sauveur pour les Sourds-muets des deux sexes & les aliénés. Appartenant à une communauté d'Augustines ; sont 120, ont fondé une maison semblable à Albi. Administrent elles-mêmes. Depuis 25 ans ont quadruplé leurs bâtiments ; il y a 6 ou 7 maisons de dépendance en construction pour les réservoirs à cidre, pour les lessives, pour les charpentiers, les maçons ; 3 chapelles, une pour les religieuses, une autre pour les aliénés, et la paroisse de St Ouen. Un cimetière ; vastes jardins ; prairies ; - 3 départements d'aliénés ; - 4 chapelains abbés ; 2 médecins, 1 pour hommes, /39/ 1 pour femmes ; des gardiens pour les aliénés : ce sont là tous les hommes. La direction est féminine. - On est reçue novice à 16 ; faut 21/4 de noviciat. Les vœux sont éternels -
La supérieure est élue tous les 6 ans.

- 120 religieuses

- 300 aliénés

490 & avec les domestiques, gardiens, etc. montent à 600

- 70 sourds-muets


        Théâtre Beau, isolé, près d'un canal, deux étages de colonnes et fronton.
        Place Royale, entourée d'arbres taillés en portique. [croquis20]
Au centre statue de Louis XIV; inaugurée il y a une quinzaine d'années seulement.
        Derrière lui
L'Hôtel de ville à façade dorique & fronton.
Musée des tableaux ; la plupart empilés à cause de réparation des salles.

Rembrandt portrait superbe
Rubens. Melchisédec donnant les pains à David. - Une copie de son Assomption
Espagnolet deux (une flagellation)
Paul Véronèse Tentation de St Antoine.

Christ & la Samaritaine remarquable de grâce

/39 v°/

Philippe de Champagne

Mouchoir de la Véronique

Tête de Christ agonisant

J. Vernet ; Marine. Clair de lune, Château sur un rocher. Dans l'ombre à gauche un feu de pêcheurs.
Pérugin Mariage de la Vierge : le Sposalizio de Raphaël en est presque copié. Temple au fond, sacrificateur au centre de la place, avec deux groupes d'amis et amies de noce, derrière chaque époux. Mêmes types, mêmes groupes ; petits groupes dans le lointain (celui qui casse la baguette sur son genou - un Christ nu, etc.)

Sermichel Bacchus trouvant Ariane abandonnée.

Mallebranche de Caën ; hiver, neige.

Jouvenet les fleurs

Portrait égrillard

Coypel la figure

Ecole française

Lesueur plusieurs dons

Poussin - Ébauche vigoureuse de son plafond de la Chapelle de Versailles - Lucarne céleste & braise infernale - Jugement dernier.

Ruysdaël, paysan & troupeaux

Coll. flamande

Donderkotter , une poule & ses poussins (3000 francs)

/40/

Tintoret un Alexandre (je crois) ; ciel bleu sombre.

        Forme générale Caen, vu du sommet de St Etienne, est un fer à cheval recourbé autour d'une vaste prairie qui sert d'hippodrome pour les courses de chevaux annuelles (un Mr Homond a ruiné sa fortune à créer des chevaux qui ont gagné le pas aux parisiens). Le fer à cheval s'ouvre du côté opposé à la mer. Il est posé sur les bords de l'Orne. - Promenade magnifique, 6 rangées d'ormeaux & platanes (Cours la Reine, de la Préfecture) garnissant le circuit intérieur. Le Cours Caffarelli sort de la ville & longe l'Orne pendant 2 ou 3 lieues. - Sur la droite de l'Orne s'allonge l'interminable faubourg Vaucelles, avec son mauvais clocher en forme de taupinière. C'est par là que j'arrivai. - Beau pont de pierre -
        Sur l'Orne sont quelques manufactures, deux bacs, le long du grand Cour. Outre la rivière, quatre ou cinq bras en ont été tirés ; ils traversent la ville de tous les côtés, passent sous les rues, viennent faire tourner des moulins, verdir des saules pleureurs, entretenir des blanchisseuses, et entraîner les eaux de service, poissonnerie, égoûts, etc.
        Caen est une assez belle ville ; grandes rues, bien percées, avec des magasins assez bien dans la /40 v°/ plus importante (rue St Jean, à angle droit sur celle St Pierre, les deux plus belles et plus longues).
Caen est la patrie de Malherbe et de Segrais : mais, très peu littéraire, elle ne connaît pas ses célébrités ; du moins personne n'a su m'indiquer leurs maisons quoique très certainement elles aient une inscription.
        Nota. Il n'y a pas de Restaurant à Caen. Ceux qui portent ce nom, sont d'ignobles cabarets, où l'on ne coudoie que des hommes en blouse. J'en ai fait la rebutante épreuve. J'ai dû surmonter mon dégoût pour pouvoir avaler ce qu'on me servait. Le second jour mangé à mon hôtel (d'Angleterre)

_____________

Samedi 1er juillet

        Parti à 7 heures du matin par une espèce d'omnibus, pour Courseulles, petit port à 5 lieues de Caen. Je me suis trompé : je comptais voir Luc établissement plus fréquenté des baigneurs, mais c'est Luc qui est le plus à l'Est, & pour ne pas retourner en arrière, j'ai dû y renoncer. - Sur la route, la Délivrande, St Aubin, Bernières. Ces deux derniers villages ont des clochers remarquables, même style de deux étages d'étroites et longues arcades ogivales, soutenant aux angles 4 clochetons très simples et au / 41/ centre une belle flèche élancée , très aiguë, toute de pierre, lucarne à jour, & avec empreintes figurées d'écailles & de tuiles. (Le clocher de Bernières, le plus beau). - La campagne est en plaine couverte de blés, & des arbres fruitiers par-ci par-là. - Devancé 6 jeunes chasseurs en casquettes coniques, à cheval, sous la direction d'un écuyer-maître.
        Courseulles, petites maisons d'un étage, semées sur les bords d'une vingtaine de parcs d'huîtres, avec quelques bateaux marchands, une rivière, une écluse & un dock (dock Joinville). Trois ou quatre maisonnettes en ligne, fraîches-recrépies, portant chacune à l'avant une perche où pend en guise de drapeau une enseigne cassée de bois. Pinchon (ou autre) donne à boire & à manger. On me montra une chambre, pour plancher du mortier aplani, pour paroi les 4 murs blanchis sans rideaux, sans glaces, des bancs et des tables comme celles du roi Oriandre, et pour cette chambre on demande 4 francs par jour. Je trouvai cela une plaisanterie : on en fut fort irrité. - Pour déjeûner je demandai une côtelette de veau et une tasse de café au lait : la côtelette fut un quartier, la tasse était un saladier. Les portions sont de Gargantua ; mais on n'en paie pas meilleur marché. /41 v°/ Au principal restaurant, je vis d'assez bonnes chambres, à 3 & 2 francs par jour. - Pris un bain de mer sur la grève, au soleil, par un vent frais.

        Parti vers midi pour Arromanches (2 heures), le village où vivait pour 60 francs par mois, Made Mussard de Paris. Longé la grève et les dunes de sable, alternativement. Route ennuyeuse et fatigante. Observé les moules, les algues, certaines plantes desséchées en mousseline, en vessies par grappes, les petits animaux blancs, sauteurs, cachés dans les trous, et si nombreux, etc. Phare de Ver! - Falaise avant Arromanches ; vue superbe. La plaine est de roc en couches horizontales, gris clair par en bas, recouvertes de roc jaune. - Arromanches, au fond d'une enceinte très évasée de collines, couvertes de blé, à 2 lieues en ligne droite de Bayeux, sur une grève, moitié sable, moitié roc, en pente douce. Bornée à droite & à gauche par deux falaises escarpées, vue de 120 degrés de mer. - Auberge de Made Mussard. Chambres libres seulement jusqu'au 1er Août, à 20 & 25 sous. Figures très honnêtes, change à la carte.
        D'Arromanches à Port, 2 grandes heures, falaise continue de 400 pieds de hauteur. Vue immense, air pur, /42/ chanté presque tout le long à pleine voix. Se figurer perché sur le clocher de Strasbourg, & le clocher tiré à roulettes sur la grève pendant 2 lieues. Voilà la vue. Mais la moitié terrestre est à votre niveau : plaine à blés constante, avec petits villages. Moitié maritime, demi-cercle de 10 lieues de rayon. Ligne inflexible de l'horizon. Grandes ombres marbrant la mer, peau d'azur tigrée en vert noirâtre. Les taches marchaient avec les nuages. Ligne orangée au couchant. Quelques voiles blanches.
        Rencontré les gabelous avec leurs fusils, l'inspecteur avec sa canne, des vaches paissant, les cabanes des douaniers pendant l'orage ; la demoiselle de Fontenailles, roc étroit, désolé, debout sur une base circulaire, comme une borne posée sur un piédestal ; étaient deux (s'appelaient les bons hommes ; ont changé de sexe). À moitié chemin, la falaise se dédouble, et en prend une autre de moitié hauteur où paissent des moutons.
        La mer aujourd'hui m'a fait l'effet magnifique, mais non pas sublime ; sauf un instant où j'y ai senti une puissance formidable en repos, n'attendant qu'un geste de Dieu pour engloutir le monde ; un simple mouvement de l'axe de la terre, tourner un peu la cheville.
/42 v°/ Port : rivage de galet noir, couvert de moules & d'herbes noires, découvert très en avant ; une seule rainure creusée dans le prolongement du vallon, sorte de port. Position analogue à Arromanches ; mais l'amphithéâtre est encore moins marqué. Blés encore. 2 lieues de Bayeux, du moins dans la langue du pays, car les lieues là sont de 3 demies au lieu de deux. - Village plus considérable. Macé restaurateur. Jolies chambres planchéyées. Billard. Deux filles d'auberge, extrêmement jolies & gracieuses, naïves et attrayantes. L'aubergiste et sa femme colosses de graisse. Au 10 juillet, tout sera plein ; c'est retenu. Chambres à 20 et 30 sous.

Dimanche 2 juillet.

         Levé à 31/2 heures du matin ; parti 1 heure après pour Bayeux. Route bordée d'arbustes, de blés, de verdure. - Beaucoup réfléchi à mes deux sœurs, à mes devoirs & à la position à prendre envers elles, à leur avenir - Recueilli mes souvenirs de père, & de mère. Me faudra demander tous les détails. Je veux clore ce passé, pour être plus libre ; pour me rattacher par quelques anneaux à la chaîne antérieure ; enfin pour mieux me comprendre.
/43/ Demander à la tante Fanchette* son jugement, son avis sur mon enfance. Elle me connaît bien & me rendra ce service. Je ne crains plus mon amour-propre sur ce sujet. - Mon passé me manque ; une vie d'affection, de famille, d'attachement filial me manquent.
        La mémoire philosophique peut contenir indéfiniment, parce qu'à mesure qu'elle acquiert du nouveau, elle range l'ancien, le retourne, le condense, et le met dans un plus petit coin. Les connaissances sont indéfiniment condensables ; à mesure qu'on sait mieux, cela encombre moins. Ce qu'on commence vous remplit comme un gaz ; qui se réduit en liquide, puis devient solide, puis toujours plus dense, à mesure que l'on apprend mieux & plus ; & cela sans limites, dans la nature immatérielle, comme dans la nature matérielle.
 



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BAYEUX -TABLE DES ETAPES
Bayeux
        Cathédrale. Commencée au IXe finie au Xe siècle. EXTÉRIEUR. - Façade. Portail à 5 portes en saillie, 1 grande & deux moindres de chaque côté, enfoncées ; celle du centre & les deux extérieures (toutes 3 condamnées, l'une par une balustrade circulaire, les deux autres par un mur en talus) simplement avec moulures concentriques ; les deux internes avec 4 zones ogivales de saints et leurs dais, plus 4 rangs horizontaux de /43 v°/ mauvais bas-reliefs dans le tympan.
Deux clochers, avec contreforts en escalier, et en retrait, point de galeries autour du bas des flèches, en sorte que le tout a l'air aiguisé du bas en haut. 3 contreforts nus à chacun. Cinq filets ou corniches divisant la hauteur jusqu'au pied de la flèche.


1er étage nu & plein, sans fenêtres ni ornement
2d - avec 6 petites arcades effilées figurées, en 2 groupes
3e - deux vilaines ogives irrégulières
4e - 4 arcades plein cintre, 2 fermées, 2 ouvertes
5e - 3 arcades plein cintre, plus hautes & ouvertes


        À l'angle interno-extérieur, les deux amusantes tourelles rondes, mais seulement jusqu'à la 3ème corniche.
        Dessus de chaque porte, un triangle ou carré avec roses en creux. Une grande au centre & trois petites aux angles.
- Sur la grande une galerie avec balustre en cercle, tous vides de leurs ornements, puis une grande ogive basse de jambes subdivisée symétriquement ; surmontée d'une galerie de cinq ogives presque cintre à piliers, subdivisées en deux par de minces colonnes, avec des statues entre deux, & au-dessus les mêmes triangles de marbre avec roses en creux. [croquis21]
Flèches aiguisées, avec 4 maigres clochetons.
        Aspect de la façade, sèche et nue ; avec le sommet trop aiguisé & les hanches trop gonflées.
/44/ Côté droit. Nef d'abside d'extérieur, d'un style sobre, et élégant ; pareille aux bas côtés, par ogives jumelles, de proportion svelte ; supportant une corniche mince et fouillée, supportant une galerie basse de toutes petites ogives … ?…….
Au-dessus, en retrait, les contreforts de la nef centrale de l'église, du même style, inscrits dans une 3e ogive, avec balustrade semblable à celle d'en bas, mais à jour. - Clocheton sans ornements, quadrangulaire et pointu.
        Deux portes ; l'une sur le flanc de la grande nef, l'autre au bout du transept ; celle-ci très ornée, enfoncée, avec têtes de saints, toutes sortes de rois priant découpés et appliqués à droite et à gauche, une galerie à jour assez compliquée, le tout surmonté d'une immense ogive subdivisée flanquée de deux petits clochetons, avec une nouvelle galerie.
        Petites cloches : 2 au bout de chaque transept ; 2 aux côtés de la tête d'abside.
        Le côté de la grande nef est d'autre style, du moins les fenêtres du bas côté, qui sont grandes ogives ordinaires.
        Tour du chœur beaucoup plus récente, n'a que 60 ans ; riche, de style mélangé - Une base quadrangulaire recouverte d'ogives et de nervures et autour d'une balustrade de pierre à jour, supporte une partie octogone à ogives à intérieur subdivisé, tressé, dentelé, à deux étages de fines colonnettes intérieures. Au-dessus /44 v°/ & en retrait d'une riche balustrade, un autre octogone à fenêtres assez bas, servant de base à une petite coupole à 8 côtes & 8 lucarnes internes, au-dessus de laquelle une rotonde à 8 colonnes d'ordre dorique, avec une galerie en renflement & un toit aigu de pierre, sert de lanterne & de couronnement. - L'ensemble monte pyramidalement et flatte l'œil par son élancement plein d'élégance.
 
        INTÉRIEUR. L'effet en est supérieur. Du vestibule, 6 marches descendent dans la nef, de sorte qu'on domine & que tout paraît plus élevé. - Dans la grande nef le plein cintre roman est mêlé à l'ogive ; dans le reste ogive pure. - 7 arcades à la nef, 1 ogivale à chaque bout, les 5 autres sont plein cintre ; 6 ou 7 annelures concentriques reposant au montant de colonnettes, sont enfermées dans un large ruban demi circulaire tout travaillé d'ornements (en zig-zag sur plusieurs rangs, comme des ruches de bonnets, & divers), entouré [… …] d'une sorte de guirlande. Dans les encoignures sont de petits sujets en relief. Une très riche corniche à palmes & modillons (d'où partent les nervures principales, terminées en têtes saillantes), supporte une belle galerie en trèfle, [croquis22] et de longues ogives sur poutres soutenues au centre par une mince colonne s'avancent en avant des fenêtres du /45/ du même dessin. - Chapiteaux des colonnes à palmes.
- Tout l'intervalle entre la corniche & les arcades est sillonné de divers dessins, comme des empreintes.
- L'ensemble est riche, proportionné, savant. Une nef latérale de deux côtés avec chapelles.
        N.B. Parmi ces arches plein cintre les arcs ont plus ou moins d'ouverture, ce qui les fait surhaussés, ou surbaissés. - Au dessus de la dernière à gauche, est un magnifique fragment de corniche en relief, dix fois plus volumineuse que le reste, une copie d'entablement corinthien appliqué là.

        Un grand jubé moderne, avec porte au milieu & deux statues et autels aux côtés, est placé à l'avant du transept. 3 marches montent dans le chœur, & 6 descendent dans la nef latérale qui l'entoure.

        Transepts : ils sont pris aux dépens des bas-côtés & ne font pas saillie au dehors du plan général des nefs. - Immenses fenêtres vitrées sans division.

        Nef d'abside (tout est sans badigeon). Toute gothique et de plus beau style. 3 étages. Entre les fenêtres d'en haut (de même style, jumelles à la partie vitrée, mais inscrites dans une ogive sans colonnette retombante) et les arcades d'en bas, /45 v°/ qui ici sont ogivales, d'une belle proportion svelte, (l'ogive étant courte, les piliers longs et rapprochés) s'intercale un second étage magnifique composé de belles ogives larges, contenant en retrait deux ogives plus élancées, avec en trèfle entre deux, chacun contenant encore deux autres ogives plus fines & plus aiguës, avec leur trèfle & leurs colonnettes.
- Les nervures principales partent du sol, et ne prennent un chapiteau qu'à la corniche du 2d étage.
        Toutes les nefs latérales sont ogivales ; plusieurs chapellettes sont encloses par des murs à ogives figurées.
        Chaire de bois sculpté : une nuée porte au dessus un ange, le globe terrestre & la croix, et au dessous des chérubins, elle [est] de bois peint en bronze.
        Riches roses feuillées en creux flanquant les sommets de chaque ogive.
4 arcades …. - 5 petites à la partie tournante, les piliers deviennent colonnes (cannelées) engagées.
        - À l'étage au-dessus, l'ogive n'en contient que deux autres au lieu de 4 - & tout en haut, une seule jambe au lieu de 2 jumelles. Résultat du resserrement.
/46/ - Ascension du clocher . On va jusqu'au sommet dans la lanterne, qui contient les cloches, l'importante au centre, & sur le pourtour, à deux rangs, 4 moyennes et 7 petites. - Belle vue. Plaine continuelle de tous côtés, toute sillonnée d'arbres les long des chemins, des enclos, etc. Tout le Calvados et la Manche sont de même. Les cathédrales de Caën, de Bayeux, de Valognes offrent toujours la même chose. - La hauteur devait être de plus de 300 pieds.
        Grandes places de St Patrice & du Château, entourées d'arbres, et d'un mur bas, avec marches aux angles.
         Tapisserie de la Reine Mathilde http://panograph.free.fr/BayeuxTapestry.html   femme de Guillaume le Conquérant. Environ 80 pieds de longueur sur 30 pouces de haut. Du XIe siècle. Sur simple toile blanche, la reine et ses femmes brodèrent l'histoire de la Conquête de l'Angleterre, en reprenant l'histoire du roi Edouard & du comte Harold qui, envoyé en mission vers Guillaume, guerroya si bien avec lui en Bretagne (à Dinan) contre Conan [Conan II roi de Bretagne], il fut armé chevalier, & lui jura fidélité /46 v°/ et hommage ; puis à la mort d'Edouard, accepta la couronne sans le congé de Guillaume son seigneur. D'où l'affront qui amena l'invasion des Normands & la fameuse bataille d'Hastings où Harold perdit la vie. [Guillaume mourut au siège de Mantes d'une flèche : il était énorme]. - Tous ces événements sont à la file, avec une naïveté, une ignorance du dessin, une enfance de moyens très-curieuse. Un simple fil de laine esquisse de grossières figures dans leurs principaux membres, fait la silhouette de la figure & des mains & des pieds avec conscience sans oublier un doigt. Les habits seuls sont ombrés ; tout le reste, toute la chair, les armes mêmes restant de toile ; pas de ciel, pas de paysage, une simple ligne pour le sol. La laine n'a que 7 teintes : noir, bleu, 2 verts, rouge, jaune, isabelle.
Chevaux, ce qu'il y a de mieux fait, avec de gros organes entiers (les demoiselles d'honneur s'y appliquaient) à bouts rouges. - Les hommes abominables, surtout dans leurs cottes de maille. - L'évêque de Bayeux, frère de Guillaume, armé et cuirassé, décide la guerre - tonsures - habits d'arlequin aux prêtres - /47/ Faucons sur le poing pour signe de noblesse, Harold retirant ses alliés des grèves du St Michel a l'air croquemitaine - Tués sans crâne - Anglais reconnaissables à moustache. - Bateaux délicieux, avec toutes ces têtes de canards qui en sortent. - Armes, écus ovales, lances, masses à Guillaume et à l'évêque éperons, cottes de treillis, casques à nasal. - Cuisine, grandes broches, avec force poulets. Tableau du banquet ; les mets sont sans assiettes sur la nappe même, grosses mains étendues sur un ragoût ou un poisson - Chûtes d'hommes ou de chevaux dans les fossés ! - La fin manque, cela se coupe au massacre des fuyards d'Hastings ; on attend le couronnement final. Visages alternativement tracés au rouge et au noir, surtout noir.

        Tableau de la Bataille de Formigny (livrée le 15 Avril 1450 ; vu le cippe et l'inscription à Formigny) ; on le dit très vieux. Peu de perspective ; mais les soldats anglais, dans leurs chapeaux à plumes, leurs hauts de chausses & leurs mousquets sur l'épaule sont fort bien faits, expressifs et élégants. Je crois ce tableau moins vieux que plusieurs du Musée de Versailles. - Un artiste anglais a barbouillé à l'huile l'inscription écrite à l'angle. (XIVe siècle) Patrie d'Alain Chartier , poète, historien, orateur , Jean historiographe de Charles VII, Guillaume, évêque.
/47 v°/ Coiffure gigantesque bayeunaise dans l'église. - On parle beaucoup des femmes de Bayeux. Je n'en ai point vu de belles. Pris Voiture pour Isigny, 35 sous, à l'Hôtel St Martin. Place de Banquette, rembourrée de bois. Deux musiciens ou bateleurs courant les foires pour voisins. C'est à Formigny que descend presque tout le monde et que le conducteur boit. - Autre village la Cambe.
        Isigny sur la Vire je crois, entouré de marécages, à ¼ de lieue de la mer. La rivière fait port à marée haute. - Immense palais de la Mairie. Trouvé occasion à immédiate pour Carentan ; coucou à 4 places, 24 sous - Jolie fille avec nous (dame plutôt & accorte), cou délicat et mince, taille fine, bonnet à tulles rayonnants, expression mobile, rien de suave, quelque chose de garçonnier, de commun, dents jaunes. Tournure poétique démentie par le fait. Pont du Vé, péage, voiture 23 sous, plus les voyageurs 1 sou par tête : limite du Calvados.



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CARENTAN - TABLE DES ETAPES

        Carentan, manqué d'occasion pour Valognes ; le cocher était ivre, jeune fripon, /48/ normand de bonne race, offrant pour 3 francs et quand on s'en arrange, riant et en voulant 5. Il était 6 ½ heures - Couru la ville.
        Petite ville, un rempart, des marécages. Une enceinte qui entoure le château, avec quelques piles de boulets & d'obus, & une poudrière dans la muraille ; un hangar contient cinq à six canons. Et pour cela, on gêne toute construction dans les faubourgs : Carentan, ville de guerre ! un pont-levis, un fossé, des sentinelles, & pas d'embrasures pour les canons ! Les faubourgs sont beaucoup plus grands que la ville. - Dans le château, jardin aux fleurs très-joli & très vert. - Guidé par la servante de Mr Turpin, l'invalide.
        Mauvaise petite église, en dedans du rempart, avec balustrade & flèche de pierre. - Magnifique coucher de soleil, or nuageux puis rouge : l'église, colorée délicieusement, couleur aurore.
        Soupé avec deux maquignons, 1 énorme, bon enfant & madré, me servait les bons morceaux du canard et des rognons.
        Couché tout habillé, espérant prendre la diligence à 11/2 du matin. En vain ; réveillé trop tard. Malgré les excuses, je /48 v°/ crains une ruse de normand de la part de l'hôtesse.

 

Lundi 3 Juillet.

        Juillet s'est réveillé soudainement ; il s'est souvenu de son nom. Levé tard, trouvé un soleil magnifique installé sur les chemins. - Après déjeuner copieux, parti sac sur le dos, malgré les menaces de chaleur que me faisait l'hôtesse. Elle avait raison, je dus mettre la blouse. Ce grand soleil ne me fatigue pas les yeux ; serait-ce déjà 2 bains de mer ? Je les tournais toujours sur la campagne, mais souvent aussi sur le chemin, & je n'avais que mes faibles lunettes bleues. Le soleil blanc, brisé par des nuages, me fatigue tout autrement.
        Fait le chemin de Carentan à Valognes, (3 myriam - ou 71/4 lieues) en 6 heures de marche et 3 petits repos intermédiaires à l'ombre faisant environ 1 heure ; et cela de 81/4 à 31/4 du jour, c'est-à-dire par une chaleur magnifique. - Routes en ligne droite dirigées sur les clochers, qu'on voit 2 lieues d'avance. - Plaine très-peu ondulée & avec bouquets de bois toujours. - /49/

St Côme du Mont,
Blosville
Ste Mère Eglise
Neuville
Fresville
Montebourg, joli clocher



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VALOGNES - TABLE DES ETAPES  

        Valognes, sur le Merderet, patrie de Le Tourneur & (Vicq d'Azyr). Resté de 31/2 jusqu'au lendemain à 7 heures. - Ancienne Alauna. Théâtre sous les blés ; murailles des thermes romains, colonie au 2e siècle ; détruite par Maxime, qui demeurait à Trèves. - Cathédrale, du XVe siècle ; grande nef tombée en 1793 après une prédication de décade. Clocher deux tours, l'une conique dôme aiguisé, sur la croisée des nefs ; l'autre, restée sans pendant, tout contre elle, au-dessus de la petite nef latérale qui remonte du transept de gauche ; [croquis23] celle-ci a la flèche aiguë, notablement plus haute ; est courbée vers l'ouest. - La façade est oblique relativement à la nef, fort choquant. Elle est en deux ogives égales, inscrites dans une 3e en moulures ; divisées au centre par un pilier impayable, qu'on dirait fait par un /49 v°/ tourneur sur pierre, sorte de cylindre renflé de distance en distance par 4 ou 5 groupes d'anneaux ou moulures.
        Connaissance. Mr. De Gerville, antiquaire de Normandie, vieillard érudit, se levant encore à 5 heures du matin, faisant des mémoires sur les voies romaines, les antiquités celtiques, etc., déchiffrant les inscriptions, mesurant les ruines, fouillant les titres & cédules féodales ; faisant la collection des fossiles du département (2700 espèces) - s'occupant de botanique, de géologie, etc. - Mémoire incroyable, bonne et naïve figure ; yeux bleuâtres, ternes, dans des paupières demi-fermées & une sclérotique jaune. Jouissant de son savoir et l'exhibant avec une douce satisfaction. Il n'y a qu'à le laisser parler ; il se tient tête tout seul, emmanche un sujet, passe par une parenthèse, et cause, et digresse, et va et va toujours, cela coule à fil - J'arrive chez lui ; il allait sortir, je me dispose à m'en aller. Il m'accompagne, mais me fait entrer voir ses fossiles, voir sa bibliothèque, que nous parcourons volume par volume, & à chacun d'eux une histoire. Enfin, partis, il me met sur le chemin des Thermes en ruine ; mais au point /50/ de séparation, une pose de demi-heure encore, et là chapelet interminable : le prix de 10,000 livres de rente obtenue par J.J. Ampère, la bibliothèque botanique du baron anglais ; ses études en Angleterre, ses bibliothèques publiques, rares, inabordables, impopulaires en Grande Bretagne ; accessibles, polies, empressées à Paris ; les rues de Londres, etc., etc.
        Mr Verneuil, à mon hôtel, casseur de fossiles, revenait de Russie, où il a fait des excursions dans ce but.
        À 11/2 heure de Valogne, Brix (Breccius) avait un château, berceau des rois Bruce d'Écosse, découverte de Gerville. W. Scott lui a fait envoyer un diplôme d'antiquaire d'Écosse pour ce travail, dans le même temps qu'on trouvait le tombeau de Robert Bruce, singulière coïncidence.
        Couché à l'Hôtel du Grand Turc.

Mardi 4 juillet

        Parti pour Cherbourg par la banquette d'une espèce de diligence. Rencontré plusieurs autres voitures, toutes très chargées de monde ; cette route est très fréquentée, & n'est pourtant percée que depuis 80 à 90 ans.- Sur l'impériale on /50 v°/ nous bourra jusqu'au nombre de 9, & 11 dedans. Route absolument droite, mais toute en montées et descentes, pas ¼ de lieue en plaine. Autour de moi, des paysannes criardes, faisant de larges croûtes au beurre et voulant m'en faire manger. - Campagne monotone et insignifiante ; toujours des champs entourés de haies arborescentes, et de vergers.




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CHERBOURG - TABLE DES ETAPES

        CHERBOURG. - Arrivée très agréable. La route tourne, et au bout d'un vallon pittoresque, l'œil découvre Cherbourg ; sur la gauche s'enfonce le vallon boisé de Quincampoix, dominé à l'angle par la tour du télégraphe. Sur la droite la montagne rocheuse du Roule qui sert de carrière pour la digue.
        A.. Port : D'abord un port marchand coupé en deux bassins par le pont garni de son écluse ; sans activité, 1 ou 2 petits navires tout à fait paisibles. Deux jetées d'inégale longueur s'avancent perpendiculairement à la mer ; d'où mauvaise influence des lames & difficile entrée, deux inconvénients. - Au fond, à une lieue en mer, la fameuse digue toujours en construction. Sur la gauche, à quelque distance du port marchand, le port militaire dont on creuse le 3e et plus grand bassin. On a modifié cinq ou six /51/ fois le projet. (Voir la série des modèles en relief, avec celui de l'ancienne digue écroulée, dans une salle près du port. Bois de cerf pétrifié trouvé à 60 pieds de profondeur sous le port militaire).

        B . Trois promenades : 1°/ À la digue, avec 5 messieurs de commerce : 18 francs l'embarcation, 4 rameurs et 1 pilote. Digue commencée en 1786, par Louis XVI par 22 tonnes [de] gigantesques madriers tronqués de charpentes (1 pied carré de section pour chaque madrier), pleins de maçonnerie, 90 pieds de diamètre à la base), coûtant 1 million chacune. Le roi dîna à basse eau sur le sommet de la 1ère lancée. - Partie centrale & deux bras, entre ½ & ¾ de lieue de long. Ruine effroyable en 1807 par un ouragan, du centre ; 500 victimes, la cantinière jetée à la côte la première. La petite poudrière seule résista et & sauva ceux qui y étaient.
- 2de construction sur large base de pierres perdues de 600 pieds ; puis le blocage, & la muraille verticale. 30 pieds de large à la surface, qui sera élevée encore de 9 pieds. - Au centre, un phare et trois étages de batteries ; il y aura un fort aux deux bouts, & aux points correspondants des côtes. - Profondeur de l'eau 65 pieds à basse eau. - Dépense chaque année 3 millions, sauf /51 v°/ depuis 1 an, 2 millions. - Environ 480 ouvriers, jadis 700.
2°/ au Télégraphe avec ce drôle de natif des Ardennes, qui voyage sans hâvresac, & achète une chemise quand l'autre est sale ; canne & chapeau parasol, nommé (Playbaud) ? je crois. Avocat stagiaire.
3°/ à la montagne du Roule, belle vue. La rade infiniment moins grande que celle de Toulon. Un petit fort là-haut. Sur la droite, culture assez alpestre & rude ; au pied plaines cloisonnées d'arbres, à gauche courbes gracieuses du golfe.

        C. Arsenal de marine : En construction le Henri IV & l'Austerlitz, de 100 canons ; (ont lancé le Friedland de 120, trois ponts) ; deux vaisseaux à vapeur de 450 chevaux, 20 canons. Machine toute de fer, poids 600,000 kilog. ou 600 tonneaux, sans les chaudières. Roues de 30 pieds de diamètre. - Visité l'intérieur, inachevé.

        D. Musée des tableaux (donateur Henry)

Murillo, Un spasimo; Jésus tombe sous sa croix ; Marie joint les mains. Seuls personnages; admirable de douleur et de pitié. /52/
Lesueur, Jésus enseignant les Juifs depuis les marches du temple. Payé 60,000 fr.
Nic. Poussin Ébauche vigoureuse mais dure d'une descente de croix.
Philippe de Champagne une Assomption.
Ribera [dit l'Espagnolet, v. p. 39] plusieurs portraits ou sujets à 1 fig.
Plusieurs flamands (une femme qui torche le derrière à son enfant)
Vanloo un portrait de femme, très-belle, tête inclinée.
Swanevelt & Orizzonte, deux paysages.
David Belle étude de nu.

Parti de Cherbourg à 7 heures du soir Mercredi 5 pour aller à Querqueville, à 1 1/2 lieue.

 



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QUERQUEVILLE - TABLE DES ETAPES  

Querqueville.

        Petit village sur une hauteur à droite & en dehors de la nouvelle route (était sur l'ancienne).- Grande curiosité : Temple druidique.
        Description. Au sommet du coteau, d'où la vue embrasse la mer de Cherbourg à l'est, s'élève cet édifice de peu de hauteur, formé en trèfle. Trois ronds-points forment comme la tête d'une croix.
/52 v°/ Les murailles de 10 à 12 pieds de haut sont construites de pierres plates, réunies par du mortier, & arrangées en arrêtes de poissons [croquis24]. - Le rond-point qui formait la tête était tourné à l'orient. Il avait une fenêtre au fond. Les deux autres avaient aussi une fenêtre, mais sur le flanc pour regarder l'orient. - Les ronds-points étaient voûtés [croquis24] à plein-cintre & couverts. La croisée, était à ciel découvert, pour que la Divinité fût libre.
        Histoire : Deux opinions. La plus accréditée, c'est que l'édifice fut élevé au 2e ou 3e siècle sous la domination romaine, lorsque la conquête eut aboli les sacrifices et les rites druidiques en plein air, et que les gaulois adoptèrent à moitié les dieux des vainqueurs. Le sang humain n'y aura donc pas coulé. Mais on ignore le Dieu ; aucun instrument, figure, etc. n'ayant été trouvé. - Il y a deux générations, on voyait encore en dedans des caractères tracés sur la pierre. Un maçon les a détruit dans une réparation. - 2de opinion (celle de Gerville). La chapelle aurait été érigée un peu plus tard, après la conversion au christianisme, & à St Germain déjà. - Quel qu'ait été le début, elle fut dédiée plus tard /53/ [croquis25] à St Germain. Au Xe siècle, on ajouta une nef, ce qui fit la croix. Au XIIe, on éleva su la croisée le clocher carré, nu, sans fenêtres, avec deux filets transversaux, & deux cadrans flanqués de deux filets descendants (style du Xe).
- C'est l'état où est la chapelle aujourd'hui, toute badigeonnée en dedans, les fenêtres originelles bouchées, & à la place, un autel au fond, deux petites ogives aux deux bouts du transept. - Toutes les ouvertures postérieures sont à assises plates, ou de briques & se distinguent parfaitement.

         C'est le curé qui me donna toutes ces explications, j'entrai à la cure pour cela. - St Germain échappa aux dévastations des Normands. Mais trop petite (50 personnes la comblent), on fit à côté d'elle, au Nord, une église qui seule est de service.
Vues de nuit. Cherbourg au fond. Les feux de la digue. - Cherché à 9 heures un lit dans le village. Tout le monde couché. Enfin on réveilla le bonhomme Roussel. Sa vieille vint m'ouvrir, & m'offrit un lit. C'était le sien, elle changea les draps, se mit avec son mari, dans le lit voisin, & /53 v°/ nous voilà dormant dans la même chambre. Touriste, digère. Elle éteignit pourtant la chandelle avant de se coucher. Du reste mauvais air, draps tissés avec de la ficelle, pas d'eau le matin. C'était à crever de dégoût ; j'aimai mieux rire de l'aventure.

Jeudi 6 Juillet

        Le bonhomme était aussi voleur que stupide ; il voulut 15 sous pour cette abominable couchée & me mit sur la route ¼ d'heure plus près de Cherbourg qu'il ne fallait. Aussi, quoique levé à 31/2 heures du matin, & à 4 sur la route, manqué-je la voiture aux lettres. Attendu ¾ d'heures, puis parti pour Beaumont.

         Déjeuné à Beaumont 21/2 lieues plus loin. Hôtelier Damey, une mère & son fils homme (le vousoyait). Point de viande dans ces pays. Œufs & café au lait. - Parc du Château de Beaumont, superbe, haute futaie, lumière douce et verdâtre, oiseaux, fraîcheur, arbres plantés sur lignes serrées.
        Phare d'Auderville , à 21/2 lieues, termine /54/ la presqu'île de Cherbourg. Position pittoresque, en pleine eau, entouré de brisants, mer bleue, 265 marches ; trois bases : le rocher et les pierres perdues grande largeur - une plateforme circulaire à galeries ; une partie servant de piédestal - Au dessus en retrait s'élève le fût de la colonne, qui est peu élancée. Celui de Sotteville a 100 pieds de plus.
        Charmante jeune villageoise qui me donna du lait à écume étincelante qu'elle venait de traire, plein un saladier, & ne voulut rien recevoir. En la quittant, je fis ces vers que j'aurais voulu lui laisser (si elle avait su lire).

Si doux, si frais que soit le blanc breuvage
Que tu versas à l'humble voyageur,
Il l'a trouvé moins frais que ton visage,
Charmante fille, & moins bon que ton cœur.
Patois naïf et plein de douceur, plein de cha & de chi.

        Vu pain de la soude, varecs jetés par la mer, brûlés dans un trou simplement.

        Dans cette journée, fait plus de 14 lieues, les 5 premières par le grand chemin, 5 à 6 autres par les falaises, & 3 autres par les grèves.
/54 v°/ J'étais assez flatté de mon jarret. À la dixième heure de marche, je n'étais pas fatigué, malgré le grand nombre de murs de 4 pieds à franchir (ils servent dans les falaises à parquer les troupeaux), & quoique le dernier fût ainsi [dessin26] en zigzag dans le sens vertical & dans le sens horizontal.- Constamment sentiers des gabelous.

        Falaises ; on croirait un revers des Alpes, de deux côtés d'une vallée rocheuse, mêlée de pâturages, dont le côté opposé aurait été remplacé par la mer. Pâturages, tout mêlés de ronces, en forme de taupinières vertes. Moutons entravés (un pied de devant, un de derrière). - Lévrier blanc de 7 mois, dans un moulin pas loin d'Auderville ; folâtre caressant, délicat de formes ; j'en voudrais un comme cela, chien de poète, par les contours fin, les lignes souples & effilées. Temps magnifique, mer pleine vers les 2 heures. - Spectacle imposant & superbe des brisants, sur une grande étendue des falaises, connues sous le nom de Falaises de Jobourg ; le point le plus élevé de ces Alpes marines qui font le rempart du côté occidental de la pointe de Cherbourg, est bien /55/ à 500 ou 600 pieds du niveau de la mer. - Je me souviens de trois baies merveilleuses ; la 1ère on voit de moins haut ; au bas de pentes vertes de magnifiques rochers noirs, calcinés par les flots de la mer, à reflets de bronze, à couches verticales, burinées, rongées, ciselées, recevaient la lame montante, & la brisaient en écume. Rien ne saurait retracer cette éblouissante blancheur à fond bleuâtre, l'idéal de la fraîcheur & de la pureté, que les cascades de nos Alpes. Il me semblait voir le torrent de la vallée dont je parlais ; simplement il servait de bordure à une plaine d'un azur incomparable. La neige bouillante & capricieuse des brisants, sur les rochers noirs, entourés d'une mer admirable, & s'encadrant dans le demi-cercle verdoyant d'un golfe escarpé, faisaient un tableau qu'on ne saurait rendre - Plus loin, une baie resserrée, la montagne se coupe à pic tout autour, & tombe en parois sévères & nues dans un bassin d'un bleu plus sombre ; les brisants, plus profonds, écument à 300 pieds au-dessous de vous. L'effet est sublime.
                       À l'horizon, l'île anglaise d'Aurigny.
- Plus loin, une baie de plus grande dimension que toutes les autres, double l'effet par la multiplicité des rochers. Immense demi-cercle, tout festonné intérieurement de récifs, comme un arceau /55v°/ gothique à fleurs intérieures ; admirable, de voir ces mille langues bleues s'introduire dans les mille sinuosités des roches, & s'y revêtir de leur guirlande d'écume ; diversité, mouvement étourdissant. - Mis à cheval sur un promontoire aigu, entre deux anses de falaises. - Moutons liés deux à deux, et une patte de devant avec une de derrière : des noirs et des blancs. -
Les falaises s'abaissent ; un village Vauville. Entré à l'auberge, bu du café au lait & séché mon dos. Il y avait un douanier & un homme ivre qui me jabotait des questions avec sa langue épaissie de vin : ils enseignaient au petit bambin à dire putain à la fille de service, qui trouvait cela charmant. - Près la grève, le tendon d'Achille du pied droit s'était refroidi pendant ma station à l'auberge. Devenu douloureux, il me fallut le traîner deux lieues dans des sables quelquefois mouvants, jusqu'à Siouville. Le clocher était sur un mont, et pas d'agglomération centrale de maisons, et pas de sentiers. Je dus avec désespoir franchir des fossés, des champs labourés, des murs, lentement, mais toujours en ligne droite pour épargner /56/ le petit reste de vigueur que j'avais encore. Je regardais de tous côtés, la nuit baissait, ma mauvaise vue me fit prendre bien des troncs dépouillés pour des hommes, les bruit des bestiaux qui paissaient me fit croire à des faucheurs. Personne ; il y avait trois groupes de maisons très éloignés latéraux. Si je choisissais le mauvais, je me sentais incapable d'en regagner un autre. Enfin une pelle m'annonça un villageois, qui m'indiqua l'auberge. Elle était sur le mont, à côté de l'église ! -



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SIOUVILLE - TABLE DES ETAPES  

        Je me fis monter un bain de pieds au son dans ma chambre, & mon souper aussi. Je ne me soutenais plus. - Bonnes gens ; mais si troublés de ma majesté, qu'ils en perdaient la tête, & revenaient à quatre fois pour compléter le couvert ; le couteau venait après la fourchette, laquelle marchait sans la cuiller ; la bouteille venait avant le verre pour la boire, & le jambon avant l'assiette pour le manger. - Pour mon souper, ma couchée & mon déjeuner, j'en fus pour 38 sous ! Je fus dans la chambre d'honneur, ouverte néanmoins par les deux bouts, passage pour la chambre à coucher de nos gens, on s'habillait & déshabillait en famille pour ainsi dire. Toute /56 v°/ la maison me passa par les mains : Frappier l'aubergiste, maître d'école de l'endroit, bon enfant, presque timide, m'apporte ses volumes de géographie, deux médailles d'argent qu'il eut au concours des instituteurs primaires de l'arrondissement (en 1837 et ….) ; sa sœur tient le ménage ; son père est marié et ils vivent ensemble. Celui-ci bête comme une oie, mais parlant avec précipitation & bredouillement fatigant, essaya de me montrer mon chemin le matin.

Vendredi 7 Juillet

        Parti à 11 heures seulement. Temps superbe. Descendu le village, par la cour du juge de paix. Un petit vallon charmant, boisé du côté droit, par où je passai, & plein de chants d'oiseaux, me mena au petit port de Diélette. La mer était basse.
Par un chemin vicinal, encaissé, taillé dans le sol, j'atteignis Flamanville: on y travaillait. Je me permis une observation géologique. Au-dessous de la cruche de terre, s'étendaient des couches d'une sorte de gravier consistant, agglutiné, se détachant par fragments, friables, mélangé de paillettes de mica noir, par-ci par là de gros moellons de granit absolument de même composition, se montraient dans ces couches. N'était-ce pas la même matière arrivée à se fixer, à se durcir ? Toutes les transitions s'y trouvaient à partir de l'état sablonneux jusqu'à l'état granit.
- Le granit ne serait donc pas le produit du feu ; il se formerait comme les grès.
                        Château de Flamanville



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COUTANCE - TABLE DES ETAPES

/57/
Coutances 

        Cathédrale. 1056. INTÉRIEUR. D'un bien moins grand effet que celle de Bayeux. Beau pourtant. Forme croix latine allongée. Nef latérale tout le tour, sauf des transepts.
        - Grande nef, diffère de celle d'abside ; 

(Interrompu par Vêpres)

EXTÉRIEUR. Façades. Aux deux angles deux contreforts larges comme [de] petites tours, font saillie au-dehors. Trois portes ogives font portail en saillie ; celle du cintre s'avançant comme en avant des deux autres, presque aussi haut mais 2/3 moins larges. Les 2 portes latérales divisées en deux, fenêtres doubles inscrites dans le haut, porte basse pour le bas.
[Croquis27] - Double cintre à dessus en trèfle dans la grande porte.
- En travers des 3 portes une galerie à garde fous à jour. - Deux tours égales. À leur angle extérieur le contrefort devient clocher quadrangulaire engagé par l'angle, flanqué à ses 4 angles de 4 étroits clochetons immenses, posés sur chaque face par une lunette à jour. La tour proprement dite, après s'être détachée du corps principal, a un étage octogone percé d'ogives pagodes en contenant 2 petites, un clocheton étroit, & la flèche de pierre tout en haut. - Partie centrale au-dessus de la galerie une ogive grande flanquée de deux petits contreforts /57 v°/ en retrait sur escalier, supportant grande galerie à arcades ogivales, insérées 2 à deux dans 3 grands triangles, & soutenant chacun deux ogives plus petites. Tous les tympans sur les trois rangs (petits, moyens & triangles) sont pleins de rosettes fouillées. - Ces triangles soutiennent le balustre terminal -
         Tout le style est nu, simple, à moulures, moins élancé qu'à Bayeux.
Dôme. Octogone, sur la croisée, plat, sans flèche, portant sur une masse quadrangulaire. Un seul étage de longues ogives, 1 par côté, & en ayant 2 inscrites avec un trèfle, supporte une petite corniche, pour la balustrade. Aux 4 angles abandonnés, 4 clochetons octogones, 1 lancette parefeu.
        INTÉRIEUR. Sur deux plans pour les nefs. - Grande nef : 7 arcades ogivales (Celle vers l'autel est pleine) supportant un étage de galerie à balustre, au-dessus duquel courent un second balustre & des fenêtres, 1 par arcade, droite & ne remplissant pas la place. Trois filets joints montent du pied des piliers à la voûte. Le 2d étage assez semblable à celui de la nef d'abside de Bayeux, (4 petites arcades pointues en retrait, inscrites dans 2 moins pointues, inscrites dans une 3e), mais un peu moins profondes et moins belles. Le balustre est à jour mais magnifique ; motif un cercle épais, /58/ treillagé. - Autour, une nef latérale à plafond bas, flanquée d'une seconde à plafond un peu plus haut, divisé en chapelles par de minces et frêles portiques de 4 ou 6 hautes colonnettes, réunies au sommet par un treillage à jour. Au fond, fenêtres. - Pour la petite nef, le style change : les arcades ogivales s'élancent deux fois plus haut, expulsent l'étage à galerie, qui est réduit (je me souviens) à une balustre, au-dessus duquel des fenêtres (2 par arcades), accouplées, & portant devant elles en saillie leur courbe soutenue par une colonnette retombant. - Au tournant 7 ogives se présentent, les piliers se changent en deux longues colonnes accouplées mais libres, d'un très bon effet, à chapiteaux circulaires à palmes, & le nombre des facettes se réduit. - Autour tournent deux nefs latérales (la seconde n'est plus divisée), l'une à plafond élevé, au haut duquel sont de petites fenêtres ; l'autre moitié plus basse, où sont les fenêtres intérieures.

        N.B. Au pilier qui détermine le commencement des ogives piliers, remarquer un bel encorbellement demi circulaire à 4 étages de colonnettes et de renflements qui se répète encore plus grand sur la nef latérale. Il contient un escalier . /58 v°/ Le chœur élevé de 3 ou 4 marches, s'étend jusqu'à l'ouverture de la croisée, pas de jubé, stalles. - Au-dessus, belle coupole octogone à 3 étages, 2 ogives par côté, balustre, une lanterne à la section des 8 nervures de la voûte. - De là haut, l'intérieur est magnifique, multitude de lignes, harmonieuses, élancées ; légèreté des piliers.
        Aux deux transepts, 3 ogives étroites ; pas de portes ; il y a sacristies en saillie. -
En dedans, vieille fresque, inaperçue, longue, décharnée, Visitation, Annonciation, etc.
        Vitraux de couleur opaques, sauf le circonscrit. - Abside offre 3 étages de fenêtres en entrant. - Grande nef badigeonnée jusqu'à la 1ère galerie. -
        Vue du haut du dôme - Délicieux environs, paisibles, verdoyants, ombragés ; un grand vallon tout au pied, la mer au loin.
        Cathédrale est du XIe siècle au milieu & c'est l'ogive. - grande discussion : Mr de Caumont ne veut l'ogive que depuis le XIIIe siècle. - Un ecclésiastique travaille depuis 8 ans à l'étude de cette cathédrale.

/        59/ St Pierre. Un dôme sur le chœur, & une tour sur l'entrée, mais incomplète, n'a qu'une tourelle appliquée à gauche & pas de pendant. Gothique plus orné ; extrémité des clochers d'un style rond, circulaire, à peu près renaissance. - Intérieur à ogives ; gros piliers ronds sans chapiteaux, d'où partent les côtes des nervures.

        St Nicolas : lourde et large masse de granit avec portail étroit, & et une seule fenêtre carrée avec divisions. Est-ce l'architecture saxonne ?

        Aqueduc romain. Au fond d'un vallon charmant. Coup de soleil après l'orage ; admirable. - Cinq grandes arches ogivales encore debout, 5 piliers d'un côté, 3 de l'autre sont tout ce qu'il reste. Dans le prolongement de la cathédrale ; y apportaient l'eau. - Les bases seules romaines ; les ogives du Moyen âge, réparations du XIIe siècle. En haut, écusson entre deux galeries.



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/77 V° / - Croquis de l'église St Sauveur de Caën.

/croquis28/




/78 R° / - Table des étapes.

- TABLE DES ETAPES -



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NOTES DE L'EDITEUR



RETOUR SUR LE TEXTE AVEC        ^


1

Marmottine, s. f. à Genève, terme de modiste : marmotte, sorte de mouchoir qui enveloppe la tête. Jean Humbert, Nouveau glossaire genevois, Ed. Slatkine, Genève, 2003.-

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2

Pierre Corneille est né le 6.6.1606 à la rue de la Pie, près du Vieux-Marché, à Rouen.

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3

Pierre-Louis Dulong, physicien et chimiste, * 1785, Rouen, + 1838, Paris, a découvert le chlorure d'azote et l'acide hypophosphoreux. Mémoire, avec Arago, sur les lois de refroidissement, pour déterminer principalement les tensions maximales de la vapeur d'eau à toutes les températures supérieures à 100°, afin de fournir les données nécessaires à la rédaction de la loi sur les machines à vapeur par l'Académie des sciences en 1825. Nombreux mémoires, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, Directeur des études à l'École Polytechnique.

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4

Boïeldieu, François-Adrien : musicien, 1775, Rouen - 1834, Jarcy. Auteur à succès de nombreux opéras comiques.

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5

Bocage, Pierre-Martinien Tousez, dit : acteur, * 1797, Rouen, + 1863 à Paris ; remarquable interprète des drames romantiques, directeur notamment du théâtre de l'Odéon à Paris de 1845-1848.

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6

Pascal a écrit : " Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. " Pensées, chap. II, 9. L'homme en société - L'injustice des lois humaines ; texte établi et annoté par Jacques Chevalier, Éd. Galllimard, " Bibliothèque de la Pléiade ", p. 1149.

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7

voir note 4.

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8

Alfred Escher, * 1819 , + 1882 , zurichois et président central de Zofingue, société suisse d'étudiants dont Amiel était membre. Dr en droit, homme d'état distinguée, privat docent à l'Université, député au Grand Conseil de Zurich (1844), député à la diète fédérale (1845 et 1847), secrétaire du gouvernement zurichois et président du Grand Conseil, conseiller d'État, conseiller national et président du gouvernement zurichois (1848), président du Conseil National en1849 et à quatre reprises. Chef indiscuté du canton de Zurich jusqu'en 1868, où le régime Escher fut renversé par le parti démocratique. Un des membres les plus influents de l'Administration fédérale dans les années 1850-1870. En 1860, il travailla à une solution pacifique de la question de Savoie. Il obtint l'institution de l'École Polytechnique Fédérale de Zurich, fondateur et président du Crédit Suisse et promoteur principal de la ligne du Gothard. Un monument lui fut érigé à Zurich devant la gare principale.

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9

La machine hydraulique de Graville pompait pour la distribuer l'eau du réservoir situé sur la commune de Graville près du Havre. Alimenté par une source, il avait été construit au tournant du 18e et du 19e siècle pour ce nouveau quartier du Havre bâti entre 1790 et 1820.

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10

Le Napoléon, premier navire à vapeur à hélice du monde, devait parcourir 10 nœuds à l'heure par temps calme et 8 à 9 par grande bise du Nord et mer dure. L'emploi de la voile comme auxiliaire de la machine accroissait sa vitesse de 11 à 13 nœuds, vitesse inconnue sur mer jusqu'alors pour les bâtiments à vapeur. On estimait que les économies de combustible réalisées ainsi dans un long voyage s'éleveraient aux deux tiers.

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11

Quellyn, Erasme, 1607, Anvers - 1678, Tougerloo. Professeur de philosophie à Anvers, ami de Rubens, il avait des dispositions pour la peinture, il lui demanda des leçons , puis abandonna la philosophie.

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12

Jordaëns, Jacob, 1593 - 1678, Anvers. Peintre, il excella dans les sujets religieux et mythologiques.

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13

Ancienne Abbaye aux hommes.

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14

Espagnolet, soit José Ribera, peintre espagnol, *1588, Jativa (Esp.), + 1656, Naples.

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15

Serre, Michel, Tarragone 1658 - Marseille 1733.

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16

Malbranche, Louis-Claude, 1790-1838.

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17

Jouvenet, Jean, 1647, Rouen - 1717, Paris.

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18

Coypel, Antoine ? 1661, Paris - 1722, Paris. Élève de son père, Noël Coypel.
Selon l'ouvrage intitulé Notice des tableaux composant le Musée de Caen par M. G. Mancel, Caen - A. Hardel, imprimeur de la Mairie - 1851, p. 105-106, il s'agirait du " Portrait de Madame de Paraberre, maîtresse du Régent, Philippe Duc d'Orléans. Elle est représentée au milieu d'une guirlande de fleurs qu'elle attache ; un négrillon tient auprès d'elle une corbeille de fleurs. Le portrait est peint par Coypel, tandis que la guirlande et la corbeille sont de Fontenay. " Il s'agit de Jean-Baptiste Blain de Fontenay, né à Caen en 1654, mort à Paris en 1715.

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19

Lesueur, Eustache : 1617, Paris. 1655. Atelier de Simon Vouet.

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20

Hondecoeter, Melchior de, Utrecht 1636 - Amsterdam 1695.

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21

Segrais, Jean Regnault de : poète, * Caen, 1624, + 1701, Paris. Tendances pastorales et bucoliques. Secrétaire de la duchesse de Montpensier puis de Mme de La Fayette. Traductions en vers de l'Enéide (1668) et des Géorgiques (1712) de Virgile ; renommé pour ses Eglogues. Nommé à l'Académie française en 1662 puis, disgracié, il se retira en 1676 à Caen dont il réorganisa l'Académie détruite en 1674. Elle devint alors la Société des antiquaires de Normandie, de bonne renommée.

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22

Le comte Harold, envoyé par le roi Edouard auprès de Guillaume le Conquérant, guerroya à Dinan contre Conan II, roi de Bretagne. Sa bravoure au combat lui valut d'être armé chevalier par Guillaume, auquel il jura alors fidélité.

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23

Myriam : Abréviation de myriamètre : mesure itinéraire de dix mille mètres.

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24

Le Tourneur, Pierre : littérateur : * 1736, Valognes ; + 1788, Paris. Œuvre majeure : une traduction du théâtre de Shakespeare, qui le fit découvrir aux Français. Ce texte magnifique souleva l'indignation des auteurs français, notamment de Voltaire, qui le trouvèrent insultant pour Corneille et Racine. Plus tard, cependant, la plupart d'entre eux firent amende honorable.

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25

Vicq d'Azyr, Félix : médecin et anatomiste. * 1748, Valognes ; + 1794, Paris. Élu à l'Académie des sciences, 1774 ; Secrétaire perpétuel de la Société royale de médecine ; membre de l'Académie.

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26

Gerville, Charles-Alexis-Adrien Duhérissier de : archéologue français. * 1769, Gerville près Coutance ; + 1853, Valognes. Émigra à la Révolution. Retour en 1801, retiré sur ses terres ou il s'intéressa à l'agriculteur, la botanique et l'archéologie. Collection de médailles et objets d'art, vieux ouvrages sur la Normandie, chartes, pouillés, registres, etc. Ses articles dans le journal de Valognes sont précieux pour l'histoire du Cotentin. Il publia de nombreux mémoires sur les châteaux de la Manche, sur les villes et voies romaines du Cotentin, les monnaies et antiquités mérovingiennes. Il fit des recherches également sur les Îles du Cotentin. Membres correspondant de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

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27

Spasimo : douleur, tourment, martyr, en italien.

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28

Lesueur : voir note p. 39 v°.

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