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Texte manuscrit

Journal de Fritz à son père
pendant son séjour à Orlier

du 14 juin 1832 au 6 juillet 1832.
Transcription de
Christian de Preux, BPU, Genève 2004.
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Orlier 14 juin - 1832

 

Journal de Fritz à son papa pendant son séjour à Orlier.

 

Nous partons de Genève le Mardi 5 juin à 1 heure; nous traversons Chêne et arrivons à la Douane d'Annemas en Savoie à 2 heures et à Bonn et Orlier à 3 h. Nous montons au dessus d'Orlier et nous venons loger chez Madame Sommelier -

Orlier - Jeudi - 6 Mon papa passa la journée avec nous et partit le soir -

Jeudi 7 - Nous sommes en pension pour un mois à 6 fl. par jour - nous sommes restés toute la journée dans la maison à cause du temps déplorable qu'il a fait car il tombait des torrens et je m'ennuyais beaucoup. -

Vendredy - 8 - nous avons été maman et moi faire un petit tour le matin - A goûter Mademoiselle Masboud ma demandé si j'aurais plaisir à aller faire une promenade avec leur petite caravanne - elle se composait de Mesdemoiselles, Masboud, sa nièce, Bordier et Marie Sestiá; nous nous sommes mis en route; nous avons passé par haute Bonn, Basse Bonn, et nous avons traversé la Vénoge sur le pont de la route de Bonneville - après cela nous avons décrit un grand circuit pour venir au bord de l'eau de là nous avons sauté de pierre en pierre pour aller dans une petite île et nous la traversons pour aller de l'autre côté traverser sur la planche pour revenir au bord - mais nous ne voyons point de planche; mais on l'avait ôtée les eaux avaient grossi et qu'elles l'auraient entrainée - alors nous sommes revenus sur nos pas pour nous en retourner et quand nous fûmes arrivés aux pierres tout le monde les passa sans accident mais Madeelle Masboud ne fut pas aussi heureuse sa nièce pour lui faciliter le passage avait mis son pied sur la première pierre à l'opposite et tandait sa main à sa tante - celle-ci arriva heureusement jusqu'à l'avant-dernière elle donnait la main à sa nièce qui oublia d'ôter son pied de dessus la pierre alors ne sachant ou mettre son pied elle le plongea dans l'eau et arriva à l'autre bord et elle en a beaucoup ri et tout le monde aussi.

Samedi le 9 - nous avons été maman et moi le matin faire une petite promenade sur la montagne - nous avons monté par un chemin très pierreux - à chaque vingtaine de pas maman s'asseyait pour se reposer et jouir de la vue en même temps - après avoir monté ce chemin nous nous trouvons dans le village d'Egmarne composé d'une ½ douzaine de maisons et somme descendus par un chemin qui aboutissait chez Madame Sommelier - Depuis ce village on jouissait de la plus belle vue qu'il soit possible de voir - Pour faire cette promenade nous sommes restés 2 heures pour ne pas fatiguer maman au lieu qu'elle n'est que d'un ¼ d'h. - Quand au samedy tantôt nous avons reçu la lettre qui nous annonçaient votre arrivée du lendemain -

Dimanche. 10 - Le matin je sortis seul et j'allais jusqu'à Grandnois - quand je rentrais je me mis sur le banc à la cour jusqu'à ce que maman fût habillée alors nous sommes venus nous asseoir sur un tronc d'arbre dans un verger - Tout-à-coup maman entend le bruit d'une voiture je lève la tête et je vois le bout de la tête de la Blonde que je reconnus tout de suite je dis à maman que j'ai reconnu le char et je cours à votre rencontre de toutes mes forces. J'ai enfin eu le plaisir de te voir et de t'embrasser et madame Custôt aussi La journée a été délicieuse - Maman a été faire un tour à cheval.

Lundi 11 - Je me suis promené avec maman à l'entour de la maison - après goûter la femme de l'anesse est venue on lui a essayé la selle et l'on a mené maman jusqu'à Attalan - quand l'anesse eut rapporté maman à la maison comme la femme avait à parler à maman - Je lui ai demandé si je pouvais reconduire l'anesse à Bonn et me l'a permis alors je suis monté dessus et je l'ai menée jusque devant leur grange - Comme la femme m'avait rattrappé avant que je fusse à Bonn elle a desellé l'anesse et l'a menée en champ - Au moment où l'on allait souper Madem. lle Sestié est arrivée avec un Mr. Nicole elle nous à donné une feuille de carton.

Mardi 12 Je suis sorti à 5 heures du matin pour faire ma promenade. Je suis rentré à 7 heures et demi ayant bien faim et bientôt après on a sonné la cloche du déjeûner. La femme de l'ânesse n'a pas pu venir parce qu'elle a été à Boège elle est venue après goûter dire à maman qu'elle auroit amené le tantôt l'ânesse mais que sa fille l'avoit menée en champ.

Mercredi 13 je me suis amusé toute la matinée avec Mr. Nicole il m'a interrogé sur la géographie sur l'orthographe et après il m'a dit que j'avois bien répondu; il a eu beaucoup de bontés pour moi on lui a donné une chambre qui donne sur la fenière; il étudie pour le ministère; il m'a dit qu'il seroit mon ami si je suis bien sage il est à côté de moi à table.

Jeudy 14 - Je suis resté dans la maison - Mademlle Masboud à eu la bonté de me prêter le 38ème volume des Mille et une nuit. J'en ai lu à maman une histoire qui nous a bien fait rire - Le temps s'est remis après-goûter et maman m'a envoyé à Bonn pour faire seller l'ânesse et m'a dit d'aller faire une promenade moi seul J'ai rencontré la messagère devant chez elle et elle m'a dit que son ânesse étoit en champ - Alors je me suis rentourné à la maison par le petit chemin. Hier dans la veillée nous avons reçu ta lettre mon cher papa - Maman m'a fait lire ce qui me concernait - J'ai été désolé de t'avoir oublié dans ma lettre mais ce n'est pas manque de t'aimer - Je te suis très obligé bon papa de ce que tu as la bonté de me laisser à la campagne pour m'encourager aussi je te promets que quand je recommencerai mon collège je m'appliquerai beaucoup pour te faire plaisir.

Vendredy 15. Tu sauras mon cher papa que d'abord en me levant tous les matins je fais ma prière - Après que je suis levé je m'amuse jusqu'à déjeûner - Après déjeûner je lis à maman deux considérations - Après cela j'étudie quelques pages de mon vocabulaire de mots latins - A 10h. l'ânesse est venue et nous sommes allés jusqu'à Grandnois où nous ne vîmes personne et nous revînmes tranquillement. A 2 heures et demie j'allai chercher l'anesse et j'ai fait mettre la vieille selle parce que maman vouloit voir laquelle des deux alloit le mieux. Je ne suis arrivé qu'à 3 h. et demie; maman est montée dessus et nous sommes allés jusqu'à haute-Bonn; comme il falloit ramener l'anesse à 4 h. maman me dit que c'étoit assez loin et qu'il falloit la ramener jusque devant le prie-Dieu et qu'elle monterait toute seule pendant que je ramènerai l'ânesse à son écurie; mais quand nous fûmes arrivés au contour l'âne voulut pas absolument retourner sur le chemin - Je le poussais de toutes mes forces mon il se mit à lever le cu et à galoper de toutes ses forces je le retenais par la tête tant que je pouvois mais elle me donna un coup de pied ce qui fit tomber maman qui heureusement ne se fit point de mal étant tombée sur l'herbe - Si le mors avoit été dans la bouche on l'auroit bien pu rettenir mais malheurement la bride étoit trop grande et pendoit au dessous de sa bouche.

Samedy 16. Le Matin j'ai fait comme à l'ordinaire. Le tantôt j'ai aidé à Madame Sommelier à couper le bout des fèves. Ces bouts de fève servent beaucoup parce que les fèves deviennent meilleures et parce qu'on les donne à manger aux chèvres - Le soir nous avons reçu une lettre de Mad. Custôt qui nous annonce l'arrivée de mon oncle Dimanche. Je suis bien fâché que tu n'aies pas pu venir. Adieu mon très cher papa je t'embrasse de tout mon cœur et te souhaite bon voyage et heureux retour. Bien des amitiés de ma part à tout le monde.

 

Mardi 26 juin - 1832

Mon cher papa Jeudy tantôt nous avons joué aux plaques tous ensemble. Mais comme on n'auroit pas pu jouer six à la fois Monsieur Nicole nous dit de prendre chacun une plaque et que les deux plus près du petit joueroient les premiers; quand il fit nuit nous jouâmes à ilait jusqu'à ce qu'on sonna la cloche du souper - Vendredy matin nous avons été à Boège par un temps couvert - nous avions un pain et la moitié d'une grosse saucisse et de l'argent pour faire une omelette et une salade. Nous revînmes par une grosse pluie mais qui laissoit des intervalles de beau temps. Le samedy d'abord d'abord après déjeûner nous avons tous été à la pêche avec Mr. Nicole et on n'a rien attrapé mais on a fait 2 ponts sur la Vénoge pour la traverser. Le tantôt on à joué aux plaques, et vers le soir Madame Counirs et arrivée avec Mademoiselle Masboud qui avoit accompagné sa nièce qui étoit partie le matin -
Dimanche matin j'ai remis ma petite lettre à Mr. Picot et qui j'espère est arrivée à bon port. Nous avons eu à diner des connaissances de Me Sommelier Après diner je me suis amusé avec mes camarades qui sont partis à 3 heures accompagnés de Madelle Bordier qui est restée à grange Bonnet chez Mr. Mussard.

Mon cher papa en lisant la lettre que je viens de faire je ne suis pas content de moi et maman non plus c'est que je n'étais pas en train ce matin je n'avais pas des idées. Veuille bien m'excuser de ne savoir pas bien faire les lettres mais je tâcherai à l'avenir d'y mettre un meilleur style et d'avoir quelques idées. J'ai été promené hier avec ces dames dans un village dont je ne sais pas le nom; Mad.e Sestié y alloit pour demander des nouvelles d'Oscar (sa chienne) qu'elle avoit vendue à un certain Mr. Bastian. Nous sommes revenus un peu tard parce que c'étoit loin comme Mr. Nicole s'amusoit avec beauregard (c'est le cheval qui à les pieds blancs) Le cheval lui a marché sur le pied et lui fait bien mal - mais ce matin il ne lui faisoit presque plus mal. - Monsieur Nicole avoit intention d'aller à la pêche depuis 5 heures du matin avec le pêcheur Calaman mais son mal de pied le lui a empêché - Bien des amitiés à la tante Leblanc, aux petites Custôt - Tu embrasseras bien mes petites soeurs de ma parts et la petite mère aussi Je t'embrasses de tout mon coeur mon cher papa - adieu - adieu

Ton fils Fritz


Orlier 3 juillet 1832


Mon cher papa

Je m'amuse toujours beaucoup à Orlier. Nous avons été hier au chalet de Mme Sommelier qui est situé derrière les voirons. Il n'y a qu'une heure de marche pénible, mais comme nous nous sommes perdus, nous sommes restés 3 h. en route. Nous avons eu un très bon dîner parce que Madame Sommelier ayant fait avertir les gens du chalet que nous devions venir passer la journée. Une des filles du chalet était venue chez Mme Sommelier à la pointe du jour et emporta avce elle tout ce qu'il fallait pour le dîner. Mesdames Counès et Sestié pour raccourcir l'après-dînée on joué aux cartes. On devait aller ce matin à Peillonex mais comme quelques personnes de la compagnie étaient fatiguées de la course nous n'y sommes pas allés. Voilà mon bon papa de quelle manière nous passons notre temps; c'est toujours promenade sur promenades et belles vues sur belles vues. Nous sommes montés au pic des Voirons; il s'appelle Praler. Si nous ne nous étions pas perdus nous aurions pu aller au couvent facilement puisqu'il n'y a du pic du Praler au Couvent qu'1 h. et nous avions mis 2 h. à regagner le bon chemin. Je profite de l'occasion de Mr. Nicole qui part demain Tu embrasseras l'oncle de ma part tu lui recommanderas de venir aussi souvent qu'il le pourra. Bien des amitiés à tante Leblanc et à tout le monde Adieu. Bon voyage cher papa et si tu as le temps d'écrire 1 ou 2 lettres quand elles n'auraient que 3 ou 4 lignes elles me feront toujours plaisir. Ton fils affectionné

Fritz Amiel


Orlier Vendredy - 6 juillet - 1832

Mon cher papa

A présent que je suis l'écrivain de maman puisqu'on lui a recommandé de ne pas tant écrire je profite de t'écrire je laisserai une place afin que maman puisse tracer quelques lignes. Je suis content que tu aies trouvé ma lettre meilleure que les autres et je m'encouragerai toujours plus en plus. Nous avons été maman et moi à St Jouar en compagnie de Madame Counis et de M. Nicole. Nous sommes allés en char et après avoir été bien cahotés nous sommes arrivés à St Jouar où nous avons vu le chateau de la Flechières. Il nous est arrivé (une heure environ avant le goûté) Madame Valette qui est en pension à Mornay. Je ne puis m'empêcher de te dire combien j'aimerais revoir La famille Custot et mes soeurs; combien nous nous amuserions si ils pouvaient venir passer à Orlier quelques jours - Adieu mon bon papa je t'embrasse de tout mon coeur - Tu feras bien des amitiés à ma tante Leblanc mon oncle et tout le monde Adieu mon bon papa - Je languis de te revoir et de t'embrasser - Ton fils affectionné

Fritz