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Pèlerinage zofingien
du 9 septembre 1839 au 2 octobre 1839.
Autoédition de André Leroy et Louis Vannieuwenborgh.
Bruxelles 1998.

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AVANT-PROPOS
En 1839, année où se situe le voyage d'Amiel, existait depuis vingt ans une société d'étudiants établie à Zofingue, fort vivante parmi la jeunesse académique de la Confédération. Cette année-là, le Comité central était destiné aux membres de la section genevoise, dont Amiel faisait partie. Malgré son âge, il n'avait que dix-sept ans, la défection, pour des raisons diverses, de ses aînés, le rendait éligible. Ainsi s'explique le voyage à Zofingue, "couvert" par la tenue journalière de notes dans un carnet de voyage. Il nous a semblé intéressant de le porter à la connaissance des amateurs d'Amiel puisqu'il complétait les premières pages de son journal publié dans l'édition intégrale.

Il s'agit cependant d'un bien petit poisson qui se débat ici dans le filet de notre curiosité. Ce sont uniquement des notes de voyage et non un journal personnel. La comparaison avec les parties de son journal qui encadrent son voyage zofingien le montre : pas trace de conflits intimes, de doutes, d'inquiétudes. Rédigé au crayon sur un petit carnet, souvent durant les trajets en diligence, il contient essentiellement des descriptions de l'itinéraire, des campagnes traversées, des localités visitées. Les observations sur ses compagnons de route ou de rencontre sont rares et se limitent à une indication générale, on ne peut parler de portraits. Le ton devient cependant plus personnel lorsque Amiel rend compte de ses rencontres avec ses soeurs, qu'il visite, à deux reprises, au pensionnat de Montmirail. II est très attentif à leur santé et à leurs études. Egalement remarquable est l'attention qu'il porte aux paysages, qu'il décrit avec l'oeil d'un amateur de peinture; il se réfère à Calame et son vocabulaire étendu rend avec précision les nuances de couleurs. Le Saut du Doubs, première cascade d'importance qu'il contemple dans sa vie, l'inspire particulièrement et nous vaut une vingtaine de lignes d'une description soignée. Mais, du point de vue de l'écriture, le plus remarquable, peut-être, réside dans une notation du 10 septembre, où il rend, de manière très souple, la sensation de fatigue intense et de bien-être qui l'envahit lorsqu'il cède au sommeil.

Amiel met le voyage à Zofingue à profit pour rendre visite à ses soeurs mais aussi la cousine de sa mère, Julie Brandt, qui vivait à Cormondrèche près de Neuchâtel. C'est dans la région de Neuchâtel que s'était installée sa famille maternelle, les Brandt. Il se trouve donc dans le pays de sa mère, logé chez une cousine qui l'adorait (1). Ceci représente pour lui la face lumineuse du canton de Neuchâtel, mais il en est une autre, sombre, qu'il ignorait encore au moment de son pèlerinage zofingien et dont plus tard et jusqu'à ses dernières années il s'entretiendra douloureusement avec sa cousine Julie Brandt. A Auvernier, près de Neuchâtel, se voit encore aujourd'hui une imposante demeure, nommée la Maison Carrée, qui fut construite par l'arrière grand-père maternel d'Amiel et son frère. Cet aïeul fit, semble-t-il, de mauvaises affaires, se suicida et laissa sa famille ruinée. Sa femme se ligua avec deux de ses filles contre la troisième, la mère d'Amiel et les conséquences en furent telles qu'Amiel, moins de deux ans avant sa mort, notait ceci dans son journal : " Causé [avec Julie Brandt] des tortueuses manoeuvres qui ont fait traîner douze ans à Auvernier certain règlement d'hoirie, manoeuvres qui ont ruiné la santé de ma pauvre cousine et coûté la vie à ma mère, peut-être même à mon père. L'indignation m'a fait bouillir le sang contre ces parents-reptiles; mais ils sont morts, eux aussi; ne remuons pas leurs cendres et ne prononçons pas leurs noms odieux. " 20 septembre 1879.
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Les pages qui vont suivre sont la transcription d'un petit carnet très mince, écrit au crayon, conservé à la Bibliothèque publique et universitaire de Genève, Ms fr. 3020 (2). La transcription est due à l'obligeance de Mme Anne Cottier, qui, plutôt que de nous envoyer des photocopies peu lisibles, a préféré retranscrire le carnet. Qu'elle en soit ici remerciée. Mme Cottier nous signale également qu'à l'envers du carnet, Amiel a inscrit "dépenses", sans toutefois en noter aucune, puis, sur trois feuillets, des notes physiognomoniques décrivant les différentes espèces de sourcils, de nez, de fronts, d'yeux, de mentons auxquelles s'ajoute un résumé du "régime pythagoricien".

André Leroy et Louis Vannieuwenborgh


1 - Extrait du journal d'Amiel à la date du 29 août 1839 : " Reçu une lettre de cousine Julie, bonne et remplie jusqu'à la tranche. Ce n'est pas sans raison, car elle m'en devait trois. Elle donne quelques bons conseils sur la distraction, la pente aux rêveries, et brûle de me turlupiner en personne. Mon lit neuchâtelois est prêt. La grand'mère est au bout de ses peines, et toutes les deux sont bien depuis plusieurs jours.

2 - La référence donnée dans le volume I de l'édition intégrale mentionne la date du 20 octobre comme fin du voyage, il n'a duré en réalité que jusqu'au 2 octobre.