PELERINAGE ZOFINGIEN
(Page de garde)
1839
Pélérinage [sic] zofingien
Gottlieb Schneider méd.
Concise chez le
Dr Brouna [?] Bronna [?]
Victor Gros étudt
Neuville
Wolf étudt à Thun
Sur la montagne
(F. 2 recto)
Départ lundi 9 sept. 1839 10 heures - bateau à vapeur à Genève
3 3/4 Villeneuve
6 - Aigle
Côte savoyarde, à pic sur le lac. Vallée plate entre montagnes boisées et sauvages - Nous avons un bel effet du couchant. Le sommet des montagn[es] sur notre gauche éclairé des derniers rayons paraissait transparent comme agathe. - La journée a été brumeuse, mais belle et chaude -
Le sac fatigue beaucoup en commençant; les courroies surtout vous entrent dans les épaules; mais cela s'endurcit.
Mardi le 10. - Jour de naissance d'Aubert . Vu la belle route en zigzag pratiquée sur le revers oriental de la rive gauche du Val d'Ormond. - La Grande-Eau coule à une assez
grande profondeur, au-dessous de pentes à pic toutes couvertes de hauts sapins -
(F. 2 verso)
Cinq ponts, une courte galerie, cinq ou six étages pour la route, voilà le plus remarquable quant à l'artificiel - Chalets sur les morceaux défrichés.MontagnesNous vîmes deux pics arides et ardues [sic] à pic du côté du lac où on a fait grimper une route.
Je buvais de l'eau à trop de sources; aussi la sueur inondait mes reins d'une façon abominable. - Il y avait la foire aux Ormonds, nous y sommes arrivés à 9h.20', au bout de 4 1/4 de marche; les chapeaux y sont pointus comme à Montreux -
Journée très fatigante; nous avons marché de 5 h du matin à 7 heures du soir, pour coucher à Saanen -
Au sommet du passage du Pillon, heure de soif dévorante, de chaleur et d'accablement. - Enfin parvenus sur l'autre revers, nous avons trouvé la source
Retour de la Sarine et
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après l'avoiren la suivant dans ses erreurs [?] nous avons trouvé un charmant vallon plein d'ombre et de fraîcheur; la Sarine écumait sous de grands sapins inclinés, il y en avait de toute teinte, et des rompus à la Calame, et des rocs humides, c'était délicieux. Nous avons fait sur le bord un frugal et délicieux repas, abreuvés par l'eau du torrent, et rafraîchis par quelques framboises pour dessert. C'est l'endroitqui m'a laisséjusqu'à présent, qui me laissera le plus gentil souvenir.
Mercredi le 11 De Saanen à Weissenburg, à pied, et à Wimmis en char - Vu naître la Simme dans l'Ober-Simmenthal. Cette vallée est beaucoup moins boisée que les Ormonds, belle mais elle est peu curieuse et monotone en général. La route est très belle et neuve, on y travaillait même encore. A divers points elle passe sur des ponts.
Bu du café jaunâtre, avec du lait, en grande quantité. Cela réchauffe, mais fouette le ventre.
Vimmis est au pied du mont Nisen, sur la droite de la Simme. Elle est dominée par un château fort. - Nous avons fait jouer quelques mots d'allemand dès le passage du Pillon. Mais on croassait en retour des réponses inintelligibles.
(F. 3 verso)
Le type Bernois se rencontre sans transition; maisons, chapeaux, pour l'extérieur, et figures même sont tout autres qu'à une lieue de l'autre côté. - Un fait curieux c'est que dans toute la montagne depuis les Ormonds dessus jusqu'assez loin du Pillon nous n'avons vu ni un être humain, ni une pièce de bétail.
Donné à laver, mes pantalons, une chemise, une paire de bas, pour demain à midi. Nous comptons monter le Nisen s'il fait beau temps.
Trait de murs de l'endroit : On fauche l'herbe dans le cimetière : O genus rapax!
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Jeudi 12 Parti à 6 heures pour l'ascension - Après quatre heures de montée de plus en plus insupportables, le sommeil m'a pris d'une si affreuse manière que je craignais de me précipiter en trébuchant; mes yeux se fermaient et clochaient - Nous nous étendîmes à moins d'un quart d'heure du sommet. Une fois étendu je ne me relevai plus. Aubert et le guide repartirent en me laissant des vivres que je ne pus avaler manque de liquide. Les lourdauds croyaient pouvoir m'arracher à cette volupté somnifère qui, remontant de veine en veine, et m'enlaçant irrésistiblement, s'empara doucement de mon être, et le plongea dans une mer de délices. Ce fut en vain. - Je dormis jusqu'à ce qu'ils revinssent, une heure plus tard - Sur le moment j'envoyais au diable les belles vues et les ascensions, du moins autant que j'en avais la force; l'après-midi j'ai bien regretté d'avoir manqué cette jouissance. Le panorama était magnifique. Ils prétendent avoir vu le Weissenstein, au-dessus de Soleure.
C'est bien dommage, bien dommage!
(F. 4 verso)
Nous avons eu un bol de crème et une bouteille d'eau, précieuse et glacée, au plus haut chalet.
Nous couchons à Thun, après avoir marché une dizaine d'heures aujourd'hui - Chose lamentable, ma redingote, tirée de son fourreau de toile cirée, m'a épouvanté de ses mille plis. Elle est chez le tailleur pour passer sous le fer, de sorte que je ne puis sortir, car ma blouse est noire au dos de sueur.
Oublié mes deux paires de lunettes à Wimmis. Je m'en suis aperçu au milieu de la route, et moi qui ne desserre pas trois mots allemands par jour, me voilà écrivant une épître à mon aubergiste, en deux langues, comme quoi il me renvoyât mes objets ce soir ou demain contre récompense. Je ne l'espère pas, c'est 10 francs perdus.
Soupé à table d'hôte pour la 1ère fois pendant le voyage -
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Vendredi 13 Sept. Allé voir le clocher d'où la vue est belle - Aubert a dîné et déjeuné avec son cousin Aubert le Docteur en mathématiq[ues] . - Le matin j'ai couru la ville, et arrivé à la promenade qui longe l'Aar, je l'ai suivie jusqu'à un petit bras de rivière où je me suis baigné. Après quoi j'ai retraversé la rivière, déjeuné chez un pâtissier, et marché au camp. Deux divisions exerçaient dans l'immense plaine. Chacune avait quatre pièces de canon, et envoyait de différentes distances des volées de boulets à une butte placée dans l'éloignement.
Le temps a changé depuis 9 heures, il pleut beaucoup. Si cela continue, nous partirons pour Berne. -
Ce matin, comme nous redescendions du clocher, une petite fille nous a abordés; elle me rapportait mes lunettes. [Deux mots biffés illisibles] Je lui ai donné un franc. C'est une merveille qu'elle nous ait trouvés si à point. Deux minutes plus tard nous filions par les rampes qui montent de trois côtés au temple, elle nous eût manqués - Trouvé des lunettes au clocher
je les ai remises au concierge. -
((F. 5 verso)
Changé un napoléon en argent et monnaie. Ma dépense dans les 4 premiers jours (aujourd'hui ne compte pas) a été de 23 francs de France. C'est bien ma limite juste -
Fait la connaissance d'un Zofingien de Thun : Wolf en 1ère année de théologie. M'a mené au billard, nous avons trinqué ensemble. Bon enfant. Il m'a dit que 20 membres seulement occupaient les séances, c'est peu pour 50 qu'ils sont.
Ecrit une lettre à Genève et passé à la poste le même soir.
Samedi 14 Le mauvais temps se continuant, nous sommes partis à 6 heures du matin par la diligence de Berne, au cahot de laquelle j'écris ceci. Temps brumeux. Route passant d[an]s des bois de sapins
après une bonne étendue de vergers. Dans trois heures nous serons à la capitale de la Suisse, comme on l'appelle dans les collèges anglais (hist. de Martin). Les pommes nous font envie des deux côtés et nous tendent une joue rouge, qui est déjà loin, quant on voudrait la mordre.
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La récolte des fruits (pommes, poires) sera énorme par ici - Point de noyers, je n'en ai aperçu qu'un seul depuis Thun.
- Les champs sont richement fumés, et la terre bonne. On labourait.
Une belle avenue de peupliers sert de pérystile [sic] à l'entrée de Berne; on aperçoit la ville de la hauteur (le coup d'il est assez agréable), elle est construite sur une colline que baigne aux trois quarts de son contour les flots bleuâtres de l'Aar. - Ils ont de superbes carrières, car toutes les maisons sont construites en gros blocs carrés; et même il est défendu dans les principales rues de construire autrement. Pour ceux qui aiment à voir les coulisses, tant des villes que
des théâtres, ils n'ont en se promenant qu'à longer le fleuve, ils verront la ville d'en bas, et sous son vilain côté en général. - Pourtant la promenade est jolie, et plantée de platanes et de peupliers.
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Logé à l'Abbaye des Boulangers, auberge où vont les étudiants. - Connu plusieurs Zofingiens :
Gros de Neuville
Lauterburg présidt
Moser
Isenschmidt (Moritz) reçu chez Moser ds l'après-midi et veillé chez Stähli.
Hebler
Schärer
Stähli
Lutz (Karl)
Lutz (Adolf)
Funk
d'Erlach
Visité le Musée d'Histoire naturelle, et fait danser les ours. Parcouru les remparts, vu un examen de gymnastique le matin, le maître était Moser qui va être consacré ministre d[an]s quelq[ue]s jours.
Dimanche 15- Le temps ne s'améliore pas. Toujours gris, toujours chargé et brumeux comme le prédicateur que nous avons entendu ce matin : les
bondes du ciel furent ouvertes, et les fontaines du grand abîme furent rompues -". Prophétie du diacre Pressauf [?] (ceci est d'Aubert).
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Quelques Zofingiens sont venus à notre chambre. Le soir veillé chez Staehli. Fait la connaissance d'Erlach, sous-lieutenant : il est venu nous trouver à table d'hôte. Bon enfant! je l'aime beaucoup. - Gros de Neuville aussi. Il viendra à Genève après Pâques.
Lundi 16 Parti de Berne pour Neufchâtel. J'étais le seul voyageur, à cause de l'heure (5 heures du mat[in]). - La route est assez belle, elle passe entre des bois de pins entremêlés de chênes. Plus loin viennent des arbres fruitiers, tout courbés sous le poids de leurs branches. - Le soleil s'est levé magnifique - ciel balayé et limpide, j'ai vu les glaciers. J'ai vivement regretté d'abord de n'avoir pas attendu à Berne; mais à la fin du jour tout s'est de nouveau
rembruni - Arrivé chez la cousine , peu après midi; on dînait, on ne me reconnut pas d'abord, puis au son de ma voix on me sauta au cou. Elles sont bien, nous avons visité les Bourquin. Nous ne rassasions pas [sic] de nous voir.
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Mardi 17Parti à 8 heures pour Montmirail, où je suis arrivé après deux bonnes heures de marche accélérée. - Grande surprise de mes surs. Fanny est bien, Laure est pâle et souffreteuse. Cet état maladif et délicat m'inquiète; un exercice un peu vif l'épuise bientôt, on ne peut la serrer, la faire sauter sur les genoux sans lui faire mal. - Vu quelques dessins, et emporté deux de Laure; vu des cahiers d'allemand, d'orthographe etc. Balancé sur l'escarpolette et visité les promenades quand la pluie eut cessé, cette même pluie qui m'avait mouillé et raidi le matin, par un vent assez fort.
Laure a l'estomac faible, les fruits lui sont interdits. Fanny met de l'entrain maintenant et du zèle à étudier - Mr Richard n'a pu m'en dire grand'chose; mais j'aurai des détails oraux quand je repasserai après Zofingen.
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Dîné et goûté; parti à la tombée de la nuit. Chemins épouvantables, surtout celui que j'ai pris croyant abréger, tandis qu'il alongeait [sic].
Mercredi 18 Flâné sur le canapé. La cousine était indisposée et souffrait. Je lui ai fait lecture de q[uel]ques pièces de Hugo etc.
Mlle Julie Bourg m'a prêté q[uel]q[ue]s vieux volumes. Causes célèbres - Roman de Scarron.
Jeudi 19Visité Neuchâtel, Musée,
routecanal du Seyon, hôpital Pourtalès, hôtel de ville - Dîné chez Mr Borel-Boyer, ami et obligé de mon père.
C'est lui qui m'avait fourni un coursier pour guide. Il m'a montré ses machines à fabriquer le drap, à décatir et m'a offert ses services.
v
Fait visite aux demois[elle]s Lyanna . La cadette Caroline était à Genève.
Monté au signal de Chaumont. Le panorama est très étendu, surtout du côt à gauche de Bienne. Malheureusement les Alpes étaient nuageuses. On voit les trois lacs et tout un amphithéâtre de montagnes qui s'échelonnent jusqu'à la ceinture grandiose des Hautes Alpes.
A l'auberge, [cercle?] Château de Chaumont, demandé du lait et du pain. On m'a fait payer 5 batz, ce que je note par curiosité : car c'est un batz de plus qu'un déjeuner au café complet au Café à Berne, et le même prix qu'un saladier de crème au sommet du Niesen - Il y a un télescope et un panorama des Alpes.
Vendredi 20
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Parti de bonne heure pour La Chaux-de-Fonds. Visité Mlle Justine chez Mr Aurèle Sandoz. On m'a fait tant d'amitiés, j'y ai dîné. La jeune Marie m'a joué du piano. Vu l'église et le village, avec Justine. (Nous avons oublié la sphère artificielle de Mr )
-PartiGagné Le Locle par une voiture à 4 3/4. Allé chez Mr Reymond, dont je ne puis trop me louer. Excellent accueil, quoique je ne les eusse jamais vus à Genève. Le soir Mr Payne [?] m'a conduit à son cercle lire les journaux; il m'a offert, et pressé d'accepter, un lit : ils en ont un toujours vacant pour ces cas-là. Un poupon de 8 mois.
Samedi 21Déjeuné chez Mr Monnard - Parti ensuite pour le Saut du Doubs. Jusqu'aux Brenets, belle et grande route. Depuis, on prend un sentier qui part dans les bois et
côtoie le Doubs du haut des rochers. Le saut est à demi-lieue des Brenets. - C'est magnifique. L'eau du fleuve passe auparavant sur des rochers moussus qui lui donnent une couleur noire, qu'entrecoupe l'écume de quelques rocs. Arrivé au saut, elle se change en neige. Il ne reste pas un filet d'eau jaune, bleue ou noire, tout est blanc.
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La vapeur que la brisure de la cascade produit à 90 pieds plus bas, alimente des petites cascatelles secondaires qui n'ont pas d'autre source que l'écume du torrent, et paraissent vivre d'elles-mêmes -
Le saut se voit d'en haut, depuis un rocher qui le domine. Cela diminue sans doute l'effet, et amoindrit la hauteur. - Je l'ai considéré plus d'une heure; c'est un spectacle admirable, surtout pour qui n'a pas vu de grandes cascades.
A mieux [mot biffé indéchiffrable] regarder, le Doubs se précipite en forme de fer à cheval. Aux deux côtés avancés [?]
le rocher est disposé de façon à [mot biffé indéchiffrable] briser les flots avant qu'ils s'élancent. Au centre une colonne d'eau vert-jaune tombe en nature pendant trente pieds, et là rencontre un rocher qui la fait rebondir avec force et la renvoie étincelante dans le gouffre.
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Le soleil commence à passer la montagne; il éclaire de q[uel]q[ue]s rayons la cascade, et en trouble ainsi la blancheur.
En m'éloignant, j'ai eu le plaisir d'apercevoir l'arc-en-ciel qui se balancer sur les brumes du torrent -
Revenu à la Chaux de Fonds pour voir le Planétaire fabriqué par Ducommun. Il y a deux machines; l'une est pour la terre et la lune avec toutes les proportions, c'est-à-dire que 365 tours de manivelle font accomplir à la terre une révolution et douze à la lune, avec tous les quartiers. - Il y a de plus un système complet, dans toute son harmonie : autour sont tracés les signes du Zodiaque et au-dessus les constellations peintes. Il y a
aussi une pendule qui indique l'heure, le jour du mois, le quartier de la lune, la saison, la position par rapport au soleil. - C'est une affaire de 30 louis. Le temps est abominable ce soir. Revenu à pied et transi à fond.
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Dimanche 22Parti Eté avec la cousine Julie au temple de Corcelles. C'était un vieux ministre nommé Ladame qui prêchait. Son sermon est de mon goût, simple, pratique, sans prétention d'éloquence et assez bien écrit. Le sujet était la résignation et le contentement en Dieu.
Après le sermon, parti pour Neuchâtel où je comptais prendre le bateau à vapeur pour me rendre à Bienne (il l'avait annoncé dans la feuille d'avis, et le temps était beau). Mais l'entrepreneur m'a dit qu'on n'irait pas. - Malgré le retard, j'ai eu le temps d'attendre une diligence.
De Bienne à Soleure, un omnibus attelé de rosses, sur lesquelles le cocher usa son
fouet et rompit le manche. - Pour compagnon de route, j'avais un commis-voyageur de 20 ans, français bon enfant, mais jureur de première force, et franc libertin.
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A 8 1/2 heures, beau clair de lune, ciel découvert. Parcouru Soleure à pied, avec ce français. Le spectacle était magnifique. Nous avons traversé l'Aar par un pont et retraversé par l'autre, après avoir traversé toutes donné le tour par les promenades des remparts. La cathédrale est un beau monument d'architecture. Elle repose sur une plateforme élevée, où mènent une immense suite de gradins. Deux fontaines à plusieurs becs et deux étages, gardent l'entrée des gradins.
Ce clair de lune nous mit en veine. Nous partîmes pour l'ascension de Weissenstein à 10 heures, espérant le beau temps pour le lendemain. Deux grandes heures de marche accélérée, nous amenèrent à l'auberge du sommet. La route est belle et très fréquentée par des chars. - A peine arrivé, le temps changeait déjà. Le vent du midi chargea le ciel de nuages. Je me suis
couché avec des espérances désabusées, et me promettant peu de plaisir.
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Lundi 23Ce matin, brouillard épais qui nous cache même la vue de la vallée que nous avions hier au soir : l'Aar brillait au fond comme un serpent qui s'enfoncerait sous la brume.
Dîné là, on est parfaitement servi, et sans être écorché déshonnêtement. A deux heures, après être monté au signal, d'où nous n'avons pu voir plus loin que les lacs de Morat et Neuchâtel, nous sommes redescendus à Soleure par le sentier direct. La descente se faisait en courant, et le commis-voyageur jurait comme un païen (qu'au reste il est, car il n'est pas chrétien, il me l'a dit), parce qu'il ne pouvait plus se supporter sur ses jarrets.
Nous arrivons 3/4 d'heure après le départ d'une diligence pour Aarbourg, celle qui me convenait : de sorte que sans reprendre haleine, je m'arme de mon havresac, paie la chambre où je n'avais pas couché, et me mets en route, afin d'abréger la
route du lendemain : la soirée était curieuse. Tantôt la lune brillait, tantôt elle était voilée, et cela produisait des effets variés sur la verdure, les montagnes et le brouillard.
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Pendant une lieue au moins, les chiens de paysans m'annonçaient toujours la même distance du village où je voulais arriver. J'avais Je souffrais beauc[ou]p des pieds en arrivant à l'auberge : la plante était un peu endolorie, sans enflures néanmoins - La journée de demain ne sera que de six lieues environ, jusqu'à Zofingen.
Mardi 24Curieux pays. J'ai vu des hommes tricotant et des femmes labourant - Arrivé à 1 heure à Zofingen; 18 étudiants dînaient.
On va à l'auberge de Kreutzstrasse, à une demi lieue du côté d'Aarbourg : c'est là qu'arrivent les Zuricois, les Bâlois, les Vaudois, dans de grands chars à échelles. - Cette année-ci, peu de Zofingiens de Zürich et de Bâle sont venus. Nous n'irons pas à quatre-vingts.
Mon quartier-maître Beaumont, a eu la malice de me loger chez un impitoyable allemand.
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Mercredi 25Séance à 8 heures du matin
- Ordre du jour - 1.
réception de la section argovienne1 rapport de Puenzieux
2. lettre accomp[agnant] le drapeau
3. allocution aux honoraires
4. réception de la section argovienne
5. communication de Vuy quant à Lucerne
6. discours de Ziegler de Berne
7.discours de Fries
Jeudi 26 Séance à 8 heures
1 discours de Louis Durand
2 discours du zurichois Fries (volont.)
3 discours sur la correspond. (prop. Vaud.)
4 université fédérale
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5 élection du comité central
Vendredi 27 1 Remerciement de l'ex-président Puenzieux.
2 allocution d'adieu de Durand (Henri)
3 vivat à l'ancien comité (Lauterburg)
4 vivat de Puenzieux au nouveau.
- trinquement d'adieu et embarquement dans des chars à échelles.
Allé à pied de Zofingen à Soleure. Nous étions trois : Pellegrin, Gros et moi. - Chemin d'abréviation, au lieu de passer par Aarbourg, Olten, Attiswyl, nous avons longé la droite de l'Aar jusqu'à Wangen où est un pont.
Samedi 28 Visité la cathédrale de Soleure, l'Arsenal - le Musée était fermé. Trouvé Bellamy, Dunant et Prévost, venus en char avec
les Danois jusqu'à Herzogenbuchsée - A midi loué une carriole pour Neuchâtel, à nous
v
quatretrois, plus
Prévost.
Je me suis arrêté à Neuveville. Gros m'a logé et couché. Il me faut lui envoyer un Programme de nos cours.
Dimanche 29Levé à 9 heures, parti après midi à pied, par une pluie continuelle. Arrivé à quatre heures à Montmirail.
Retrouvé mes surs en bonne santé et joyeuses au possible. - Me turlupinaient avec la plus grande ardeur. - La première institutrice, Mlle Kempf m'a donné un témoignage d'elles en général avantageux. Elles sont en voie de progrès. Pourtant Laure se permet encore des désobéissances, des mutineries. Elle aura l'opiniâtreté de lutter 15 jours contre une défense. -
Quant à sa santé. Elle est bien délicate : néanmoins le médecin croit qu'elle pourra passer l'hiver à Montmirail sans trop de danger. En tout cas on nous avertira -
(F. 14 recto)
Fanny travaille avec zèle. Le dessin et le chant, qu'elle ne pouvait souffrir, sont parmi ses occupations les plus agréables à présent. Elle est très adroite aux travaux manuels et va passer en seconde classe de couture.
- [Lettres biffées illisibles] M'a chargé de presser l'oncle de la laisser communier à Pâques prochain et m'a exposé ses raisons; je lui ai conseillé de les détailler dans une lettre.
Lundi 30Dîné à Cormondrèche, et couché. La cousine n'est pas bien. - Quillé les noix chez les Bourquin.
Mardi 1 OctobreParti par le bateau à vapeur l'Industriel, depuis le
port de Cortaillod - Tire 28 pouces d'eau, et fait entre 2 et 3 lieues par heure.
(F. 14 verso)
La carriole d'Yverdon m'avait voituré avanttrois2 heures à la capitale; une impériale (45 batz) me transporta à Genève -
[A partir d'ici, écrit à l'encre] Eh non! elle ne me transporta pas! on me joua un tour pendable au bureau des diligences, au moyen duquel mon havresac seul partit, et moi je restai. Ils réparèrent leur tort en me renouvelant mon billet pour minuit, néanmoins en exigeant 7 1/2 batz de surplus pour je ne sais quels guides, qu'ils me jetèrent au nez.
Coucher de soleil magnifique depuis Mt Benon : océan d'or embrasant le ciel, les montagnes et le lac; puis il devint orangé vers le couchant, rouge et bleu vers l'est; les montagnes de Savoie, pareilles à de la cornaline diaphane, semblaient plonger à des profondeurs immenses, parce qu'elleslignes continuess'enfonçaient sans fin sous les eaux, et que la brume gazait la
ligne de séparation entre le reflet et l'objet reflété.
(F. 15 recto)
Lu, pour m'occuper, un roman de G. Sand, Simon, et la moitié d'Acté d'Alexandre Dumas.
Mercredi 2 OctobreDe grand matin se termina mon voyage, et je déjeûnai [sic] avec appétit en arrivant à la maison, où tout était en bonne santé, sauf la tante.
[Deux traits au milieu de la page]
Quelq[ues] détails omisMon hôte de Zofingue, était un particulier qui me logeait et me donnait souper déjeûner [sic]. C'était un ministre (Pfarrer), qui se nommait Keller, ne sachant pas un mot de français, très grave, mais bon et bienveillant au reste. De ses deux filles, l'une [mot biffé indéchiffrable] niaise et laide, l'aînée beaucoup mieux partagée des deux petites [sic], aucune ne savait mieux ma langue que leur père : de telle sorte que je me suis ennuyé à périr pendant le peu d'heures que nous avons passées ensemble, malgré Wolf qui servait toutes les demi-heures de trucheman, pour demander si j'avais faim ou sommeil, si j'avais un nom, etc. etc.